À quelques jours du premier tour des élections législatives, la possibilité d’une cohabitation avec Jordan Bardella comme Premier ministre agite la classe politique française. Au-delà des enjeux nationaux, c’est la question de la politique étrangère d’un gouvernement RN qui suscite de nombreuses interrogations. Entre positions traditionnelles eurosceptiques et volonté de gagner en crédibilité sur la scène internationale, quelle diplomatie le Rassemblement national entend-il mener en cas de victoire ?
Un héritage diplomatique en question
Historiquement, le RN a toujours défendu une ligne souverainiste et critique vis-à-vis des institutions européennes et de l’OTAN. Marine Le Pen, lors de la dernière présidentielle, prônait ainsi une « Alliance européenne des nations » en lieu et place de l’UE actuelle. Une position eurosceptique marquée qui tranche avec la volonté affichée par Bardella de « se notabiliser » sur les questions diplomatiques.
Face à la guerre en Ukraine, le parti a dû également infléchir son discours traditionnellement prorusse. Tout en condamnant l’invasion, Bardella continue néanmoins de critiquer les sanctions contre Moscou, jugées contre-productives économiquement.
Un positionnement ambigu sur les grands dossiers
Au-delà de la guerre en Ukraine, les positions du RN apparaissent souvent en décalage avec le consensus diplomatique français et européen :
- Méfiance vis-à-vis de l’élargissement de l’OTAN
- Remise en cause de la « soumission » à Washington
- Critiques de l’alignement sur les États-Unis dans le dossier taïwanais
- Soutien à une solution à deux États concernant le conflit israélo-palestinien
Autant de sujets sur lesquels un gouvernement RN pourrait être amené à infléchir les orientations stratégiques françaises, avec des conséquences majeures sur le plan géopolitique.
Le défi de la crédibilité internationale
Pour peser réellement sur la politique étrangère, Jordan Bardella devra avant tout asseoir sa stature d’homme d’État. Un véritable défi pour ce trentenaire sans expérience gouvernementale, qui n’a jusqu’ici pas caché son inexpérience en la matière.
La crédibilité sera l’enjeu numéro un. Il faudra rassurer nos partenaires européens et affirmer le positionnement de la France sans faire de vagues.
– Un diplomate français
Conscient de ce handicap, le président du RN s’est entouré d’une garde rapprochée d’experts en relations internationales, chargés de lisser son image et ses prises de position. Avec un mot d’ordre : éviter les sorties disruptives pour ne pas braquer les chancelleries occidentales.
Vers un rééquilibrage des alliances ?
Au-delà de la question de la crédibilité, c’est un véritable rééquilibrage diplomatique que certains proches de Bardella appellent de leurs vœux. Avec la volonté de renouer le dialogue avec Moscou, mais aussi de renforcer les liens avec certains dirigeants populistes, de Viktor Orban à Jair Bolsonaro.
Un virage idéologique qui ne manquerait pas de susciter des remous, alors même que la France s’apprête à accueillir les Jeux Olympiques et que la guerre fait rage en Ukraine. Autant de défis diplomatiques XXL qui attendent potentiellement Jordan Bardella, pour peu que les urnes lui donnent les clés de Matignon fin juin.