40 ans après la sortie du tube caritatif « Do They Know It’s Christmas », le projet Band-Aid continue de faire parler de lui. À l’occasion de cet anniversaire, Bob Geldof, fondateur de l’initiative, a annoncé la sortie d’un remix inédit. Mais si les bonnes intentions demeurent, des voix s’élèvent aussi pour critiquer l’image que renvoie ce type de projet de l’Afrique.
Un remix multi-générationnel pour les 40 ans
Lancé en 1984 pour récolter des fonds contre la famine en Éthiopie, Band-Aid a rassemblé un impressionnant casting de stars à chaque décennie. De Sting à Ed Sheeran en passant par Bono ou Boy George, les plus grands noms de la musique se sont relayés au micro.
Pour ce 40e anniversaire, pas de nouvel enregistrement mais un remix compilant les versions de 1984, 2004 et 2014. Un pari audacieux qui permet d’entendre des duos virtuels inédits entre artistes de différentes générations.
C’est très émouvant parce qu’il y a trois générations de stars britanniques. Vous avez un jeune Sting chantant aux côtés d’un jeune Ed Sheeran, un jeune Boy George avec un jeune Harry Styles…
Bob Geldof, fondateur de Band-Aid
Le morceau utilise aussi les voix d’artistes aujourd’hui disparus comme George Michael ou Sinéad O’Connor, donnant une dimension supplémentaire à ce projet mémoriel. La partie instrumentale réunit quant à elle Paul McCartney, Phil Collins ou encore Thom Yorke de Radiohead.
Un malaise grandissant autour du projet
Malgré le prestige du casting, ce remix anniversaire ne fait pas l’unanimité. Certains artistes ayant participé à la version 2014, comme Ed Sheeran, ont exprimé leur malaise. Le chanteur regrette d’y avoir pris part, estimant que sa vision a évolué :
Une décennie plus tard, ma compréhension de l’histoire associée à cette chanson a changé.
Ed Sheeran, chanteur britannique
En cause : les critiques grandissantes, notamment en Afrique, sur l’image négative et stéréotypée que ce type d’initiatives caritatives renverrait du continent. Beaucoup y voient une vision misérabiliste et réductrice, occultant les progrès et la diversité des situations.
Band-Aid, un modèle controversé d’aide humanitaire
Au-delà de la seule chanson, c’est le modèle même de Band-Aid et des projets caritatifs initiés par des stars occidentales qui est de plus en plus remis en question. On leur reproche un certain paternalisme et une méconnaissance des réalités du terrain.
Il faut repenser la manière dont les stars s’engagent. S’appuyer sur l’expertise locale, donner la parole aux acteurs africains, soutenir des initiatives pérennes portées par les populations elles-mêmes.
Rama Yade, ex-secrétaire d’État française aux Droits de l’Homme
Pour beaucoup, il est temps de dépasser le caritatif pour aller vers un réel partenariat, respectueux et d’égal à égal. Cela implique de changer de regard sur l’Afrique et de valoriser les énergies et initiatives locales.
Au-delà de la polémique, une prise de conscience nécessaire
Malgré les critiques légitimes, il serait réducteur de ne retenir que les aspects négatifs de Band-Aid et des projets similaires. Leur médiatisation a permis une prise de conscience massive des enjeux humanitaires. Ils ont aussi favorisé un élan de générosité et de solidarité sans précédent.
L’enjeu aujourd’hui est de faire évoluer ces modèles, en tirant les leçons des erreurs passées. L’engagement des artistes demeure précieux, à condition qu’il s’appuie sur une meilleure compréhension des réalités africaines et donne toute leur place aux acteurs locaux.
Ce remix anniversaire est l’occasion de porter un regard lucide et nuancé sur ces 40 ans d’initiatives caritatives portées par des stars. Un regard qui doit nous inciter à inventer de nouvelles formes de solidarité, plus respectueuses et efficaces. C’est en reconnaissant les limites des modèles existants que l’on pourra construire l’avenir sur de meilleures bases.
