C’est une nouvelle qui suscite l’inquiétude au Niger. Moussa Tchangari, figure emblématique de la société civile nigérienne et secrétaire général de l’ONG Alternative Espaces Citoyens, a été arrêté mardi soir à Niamey dans des circonstances encore floues. Selon des proches, il aurait été interpellé par des hommes armés à son domicile, au retour d’un voyage à l’étranger. Son téléphone et son ordinateur ont été confisqués lors de l’opération.
Les raisons de cette arrestation restent pour l’heure inconnues. Mais Moussa Tchangari est connu pour ses prises de position critiques envers le régime militaire actuellement au pouvoir, issu du coup d’État qui a renversé le président Mohamed Bazoum en juillet 2023. Il avait notamment exprimé « son soutien total » à ce dernier, toujours détenu dans sa résidence officielle, et qualifié le putsch de « recul » pour le pays.
Une voix critique de la société civile
Moussa Tchangari n’en est pas à sa première confrontation avec le pouvoir. En 2015 déjà, il avait été arrêté puis remis en liberté provisoire après des critiques émises par son ONG sur la situation humanitaire dans le sud-est du Niger, théâtre d’affrontements entre l’armée et le groupe jihadiste Boko Haram. Une « atteinte à la défense nationale » selon les autorités de l’époque.
Alternative Espaces Citoyens est l’une des principales ONG nigériennes de défense des droits humains. Sous la direction de Moussa Tchangari, elle a régulièrement dénoncé des dérives sécuritaires et des atteintes aux libertés dans un pays fragilisé par les violences jihadistes et l’instabilité politique chronique.
Un coup d’État qui inquiète
Son interpellation intervient dans un contexte tendu, cinq mois après le putsch qui a porté au pouvoir une junte militaire dirigée par le général Abdourahamane Tiani. Depuis, le Niger s’est rapproché de ses voisins malien et burkinabé, eux aussi dirigés par des militaires putschistes, au sein d’une « Alliance des États du Sahel ». Un choix diplomatique qui inquiète les partenaires occidentaux.
En interne, le coup d’État a suscité une vague de répression contre les voix critiques. Mi-novembre, le journaliste Serge Mathurin Adou avait été inculpé pour « atteinte à la sûreté de l’État » et écroué pour son rôle présumé dans un complot visant à déstabiliser le Burkina Faso. Avec l’arrestation de Moussa Tchangari, c’est une nouvelle figure de la société civile qui est visée.
Ne connaissant pas les motivations des autorités, on ne peut qu’être inquiets et vigilants sur le sort réservé à Moussa Tchangari.
Une source proche de l’ONG Alternative Espaces Citoyens
Appels à la libération
Des appels à sa libération ont rapidement été lancés par des organisations de la société civile nigérienne et internationale. Beaucoup redoutent un durcissement du régime envers les militants associatifs et les défenseurs des droits humains.
Le Niger, pays parmi les plus pauvres au monde, fait face à de multiples défis sécuritaires, humanitaires et de gouvernance. Dans ce contexte, le rôle des acteurs non-étatiques comme Alternative Espaces Citoyens est jugé crucial pour faire entendre une voix citoyenne et favoriser le dialogue. Leur mise sous pression apparaît comme un signal alarmant.
Moussa Tchangari restera en détention jusqu’à ce que les autorités décident de communiquer sur les motifs de son arrestation. Une décision attendue, alors que le Niger s’installe dans une transition politique incertaine sous la conduite de ses nouveaux dirigeants militaires. L’avenir dira si la société civile parviendra à maintenir son espace d’expression dans ce nouveau rapport de force.