Imaginez des milliers de familles afghanes franchissant chaque jour une frontière poussiéreuse, chargées de quelques sacs, épuisées par un voyage forcé depuis l’Iran. À leur arrivée, elles espéraient trouver un peu d’aide médicale, de nourriture, un moment de répit. Mais récemment, cette porte d’entrée s’est en grande partie fermée pour elles. L’ONU vient d’annoncer une reprise partielle de ses activités à ce point de passage crucial, sur fond de restrictions imposées aux femmes afghanes par les autorités talibanes.
Une reprise limitée face à des obstacles persistants
Depuis plusieurs semaines, les opérations humanitaires étaient suspendues à la frontière avec l’Iran. Cette interruption faisait suite à de nouvelles mesures restrictives décidées par les autorités talibanes fin octobre. Ces directives interdisaient à presque toutes les employées afghanes de travailler dans le principal centre d’accueil des migrants, situé à Islam Qala.
Ce point de passage voit affluer quotidiennement des milliers d’Afghans expulsés ou contraints de quitter l’Iran. Sans assistance sur place, leur situation devenait dramatique. Après des négociations, un petit nombre de femmes travaillant dans le secteur de la santé ont pu reprendre leur poste. Les services médicaux essentiels ont ainsi redémarré, mais de manière très limitée.
Toutes les autres activités restent temporairement à l’arrêt. Cette situation préoccupe profondément les responsables onusiens qui appellent à une levée complète de ces restrictions.
Les restrictions sur les femmes : un frein majeur à l’aide humanitaire
Depuis leur retour au pouvoir, les autorités talibanes ont progressivement durci les règles concernant la participation des femmes à la vie professionnelle. En 2022, une première interdiction avait touché les ONG locales et internationales. L’année suivante, cette mesure s’était étendue aux employés des Nations Unies.
Certaines tolérances existent encore. Le travail à distance est parfois accepté, tout comme l’emploi de femmes dans des domaines spécifiques comme la santé. Mais ces exceptions restent fragiles et insuffisantes pour maintenir un niveau d’assistance adéquat.
L’absence des femmes sur leur lieu de travail prive les programmes humanitaires d’une partie essentielle de leur personnel. Dans un pays où les besoins sont immenses, cette situation crée un vide difficile à combler.
L’absence des femmes dans les lieux de travail est un autre rappel tragique des restrictions inacceptables auxquelles font face les femmes afghanes.
Tom Fletcher, chef des opérations humanitaires des Nations Unies
Cette citation illustre parfaitement la gravité de la situation vue par les responsables onusiens. Elle met en lumière non seulement un problème opérationnel, mais aussi une injustice profonde qui touche l’ensemble de la société afghane.
La frontière afghano-iranienne : un flux incessant de retours forcés
Islam Qala reste le principal point de passage pour les Afghans qui rentrent d’Iran. Ces retours sont souvent imposés. L’Iran procède régulièrement à des expulsions massives de migrants afghans en situation irrégulière.
Les familles arrivent dans un état de grande vulnérabilité. Elles ont besoin d’un accueil immédiat : soins médicaux, hydration, informations sur les risques comme les mines antipersonnel, et parfois un soutien nutritionnel d’urgence.
Quand les centres d’accueil fonctionnent à plein régime, ils offrent ces services vitaux. Mais avec la suspension partielle des opérations, beaucoup repartent sans avoir reçu l’aide nécessaire. La reprise limitée des soins de santé représente un progrès, mais elle ne couvre qu’une fraction des besoins.
À savoir sur Islam Qala :
– Principal point de passage entre l’Iran et l’Afghanistan
– Des milliers de traversées quotidiennes
– Centre d’accueil géré par l’ONU et ses partenaires
– Services impactés : santé, nutrition, protection
Un sous-financement mondial qui aggrave la crise
Au-delà des restrictions locales, un autre obstacle majeur pèse sur l’action humanitaire en Afghanistan : le manque cruel de fonds. Les coupes dans l’aide internationale touchent particulièrement ce pays, pourtant parmi les plus vulnérables au monde.
Ces réductions budgétaires ont forcé la fermeture de nombreux services. Des centaines de points de distribution d’aide nutritionnelle ne fonctionnent plus. Cet hiver, pour la première fois depuis des années, presque aucune distribution alimentaire internationale n’a eu lieu.
Les conséquences sont directes et dramatiques. Des millions de personnes se retrouvent sans assistance alors que les températures chutent et que les réserves s’épuisent.
L’urgence nutritionnelle chez les enfants afghans
Parmi les victimes les plus fragiles de cette double crise – restrictions et sous-financement – figurent les enfants. Près de 3,7 millions d’entre eux ont besoin d’une aide nutritionnelle urgente.
Parmi eux, 1,7 million sont en danger de mort imminente sans traitement adapté. La fermeture de centres de prise en charge aggrave quotidiennement leur état.
Les programmes de nutrition thérapeutique sauvent des vies quand ils sont opérationnels. Ils fournissent des aliments spécifiques, des suivis médicaux, un accompagnement aux familles. Leur interruption crée un risque catastrophique à court terme.
Alors que 3,7 millions d’enfants ont besoin d’aide nutritionnelle, dont 1,7 menacés de morts s’ils ne sont pas traités, les conséquences seront catastrophiques.
Tom Fletcher
Cette mise en garde souligne l’urgence absolue. Chaque semaine perdue augmente le nombre d’enfants en danger critique.
Des appels répétés à lever les restrictions
Face à cette situation, les responsables onusiens multiplient les appels aux autorités talibanes. Ils demandent une levée complète des interdictions qui empêchent les femmes afghanes de travailler pour les organisations internationales.
Sans cette mesure, les programmes humanitaires resteront handicapés. La présence des employées locales est indispensable pour atteindre certaines populations, notamment les femmes et les enfants dans les zones conservatrices.
Le retour, même limité, de quelques professionnelles de santé à la frontière montre qu’un dialogue est possible. Il ouvre une lueur d’espoir, mais beaucoup reste à faire pour retrouver un niveau d’assistance normal.
Un hiver particulièrement difficile en perspective
L’approche de l’hiver rend la situation encore plus préoccupante. Les températures descendent rapidement dans de nombreuses régions. Les familles déplacées ou récemment rentrées manquent souvent d’abri adéquat, de couvertures, de chauffage.
L’absence de distributions alimentaires cet hiver marque un tournant douloureux. Pendant des années, ces aides ont permis à des millions de personnes de survivre aux mois les plus froids. Leur disparition laisse un vide immense.
Les organisations sur place tentent de prioriser les cas les plus graves. Mais avec des ressources diminuées et des contraintes opérationnelles, leurs marges de manœuvre sont réduites.
| Défis actuels | Conséquences |
|---|---|
| Restrictions sur les employées femmes | Suspension partielle des opérations humanitaires |
| Sous-financement mondial | Fermeture de centres nutritionnels et absence d’aide alimentaire |
| Hiver rigoureux | Risques accrus pour les populations vulnérables |
Ce tableau résume les principaux défis qui s’accumulent. Chacun d’eux, pris séparément, représenterait déjà une crise majeure. Leur combinaison crée une tempête parfaite pour les plus fragiles.
Vers une mobilisation internationale renouvelée ?
La communauté internationale suit avec inquiétude l’évolution de la situation en Afghanistan. Les rapports réguliers des Nations Unies mettent en lumière la détérioration rapide des conditions de vie.
La reprise partielle des activités à la frontière, bien que modeste, montre que des progrès sont possibles quand le dialogue est maintenu. Elle pourrait servir de précédent pour d’autres régions ou secteurs.
Mais sans une augmentation significative du financement et sans assouplissement des restrictions locales, l’aide restera insuffisante. Des millions d’Afghans continueront à vivre dans la précarité, avec des risques vitaux accrus pour les plus jeunes.
La situation actuelle à la frontière avec l’Iran n’est qu’un symptôme d’une crise plus large. Elle illustre les défis complexes auxquels fait face l’action humanitaire dans le pays. Seule une approche combinée – dialogue politique et mobilisation financière – pourrait inverser la tendance.
En attendant, chaque jour compte. Chaque service qui reprend, chaque centre qui reste ouvert, chaque enfant qui reçoit un traitement représente une petite victoire dans un contexte extrêmement difficile.









