Le débat sur le salaire minimum enflamme à nouveau la scène politique française. Au cœur des discussions, la proposition choc du Nouveau Front Populaire (NFP) de faire passer le Smic à 1600 euros net par mois. Une promesse électorale alléchante, synonyme de gain de pouvoir d’achat pour des millions de travailleurs. Mais ses détracteurs pointent un coût exorbitant pour les entreprises et des répercussions désastreuses sur l’emploi. Alors, le Smic à 1600 euros est-il un mirage économique ? Décryptage d’une mesure qui divise.
Un coup de pouce au pouvoir d’achat
Avec un Smic actuel à 1398,70 euros net, le bond à 1600 euros représenterait une hausse de 14%. Un coup de boost significatif pour le portefeuille des smicards. L’objectif affiché par le NFP est clair : redonner de l’air aux revenus les plus modestes, en perte de vitesse face à l’inflation.
Jean-Luc Mélenchon, figure de proue du mouvement, assume une mesure « pour faire avancer la vie des gens ». Un discours qui fait mouche auprès d’un électorat en quête de plus de justice sociale. D’autant que la France, 6ème puissance mondiale, affiche un salaire minimum parmi les plus élevés d’Europe.
Les entreprises tirent la sonnette d’alarme
Mais du côté du patronat, c’est l’inquiétude qui domine. Les organisations professionnelles mettent en garde contre une mesure « déconnectée des réalités économiques ». Leur crainte : un alourdissement insoutenable du coût du travail, menaçant la pérennité de nombreuses entreprises, notamment les TPE-PME.
Pour les petites structures, déjà fragilisées par la crise sanitaire et les chocs énergétiques, une telle hausse du Smic serait un coup de massue fatal.
François Asselin, président de la CPME
Plus largement, c’est la compétitivité de l’économie française qui serait pénalisée, avec un risque accru de délocalisations et de destructions d’emplois. Des analyses contestées par le NFP, qui vante au contraire un soutien à la consommation et donc à l’activité.
Une mesure difficile à financer
Au-delà du principe, c’est la question du financement de la mesure qui cristallise les tensions. Avec un surcoût estimé entre 20 et 30 milliards d’euros par an, la pilule est dure à avaler. Le NFP prône un rééquilibrage de la valeur ajoutée en faveur des salaires, via une taxation accrue du capital et des superprofits. Mais le patronat récuse ces pistes jugées « anti-économiques ».
Le gouvernement, lui, refuse d’envisager une hausse « hors sol » et « uniforme » du Smic. Il mise davantage sur des leviers ciblés comme la prime d’activité ou les exonérations de cotisations. Et met en avant les 13% de hausse du Smic déjà actés depuis 2017.
L’emploi, principale victime collatérale ?
Smic à 1600 euros : quel impact sur l’emploi ? C’est la grande inconnue et la principale crainte des détracteurs de la mesure. Selon eux, une hausse aussi brutale conduirait à une compression des embauches et à des vagues de licenciements. Un scénario noir où les smicards seraient les premières victimes, au lieu d’en être les bénéficiaires.
Des études d’impact contradictoires alimentent la controverse. Certains économistes jugent le choc néfaste pour l’emploi, quand d’autres y voient un levier de relance. Le consensus scientifique reste à établir, mais nul doute que la peur d’une flambée du chômage pèsera lourd dans la balance politique.
Un marqueur politique fort
Au final, faut-il voir dans le Smic à 1600 euros un mirage économique, une bombe sociale ou un marqueur politique ? Un peu des trois sans doute. Pour les uns, c’est la promesse d’un nouveau modèle de répartition en faveur du monde du travail. Pour les autres, le spectre d’un marasme économique assuré.
Une chose est sûre, le débat n’en restera pas là. Il cristallise les visions antagonistes d’une société plus ou moins régulée, plus ou moins redistributive. Et pose la question épineuse des leviers pour renforcer la justice sociale sans détricoter notre modèle économique.
C’est doux à entendre mais impossible à réaliser.
Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur
Verdict des urnes en 2024. D’ici là, gageons que le Smic à 1600 euros n’a pas fini de déchaîner les passions et d’animer la joute politique. Mirage ou réalité, l’avenir nous le dira.