En avril 2021, une tribune publiée par une vingtaine de généraux retraités fait trembler la France. Signée par des haut gradés, elle dénonce un délitement du pays, pointant du doigt l’islamisme, les tensions communautaires et un prétendu laxisme politique. Quatre ans plus tard, en 2025, deux d’entre eux, André Coustou et Paul Pellizzari, sont radiés de l’armée pour manquement au devoir de réserve. Que s’est-il passé ? Pourquoi cette sanction, et que révèle-t-elle des tensions entre l’armée et la sphère politique ?
Une Tribune qui a Secoué la France
Le 21 avril 2021, jour du 60e anniversaire d’une tentative de putsch contre Charles de Gaulle, une tribune signée par une vingtaine de généraux retraités est publiée. Ce texte, loin d’être anodin, évoque une France en proie à un déclin : divisions communautaires, montée de l’islamisme, violences dans les banlieues. Les signataires, des officiers de haut rang, se disent prêts à soutenir des politiques de sauvegarde nationale et n’excluent pas une intervention militaire. À un an de l’élection présidentielle, le texte fait l’effet d’une bombe.
Ce n’est pas seulement le contenu qui choque, mais aussi le ton. Les généraux parlent de hordes de banlieue et critiquent un antiracisme qu’ils jugent clivant. Ils avertissent : si rien n’est fait, l’armée pourrait être contrainte d’agir. En France, où l’armée est surnommée la Grande Muette pour son silence politique, une telle prise de parole est explosive.
« Si le laxisme continue à se répandre, cela rendrait nécessaire l’intervention de nos camarades d’active. »
Extrait de la tribune de 2021
Qui Sont les Généraux Radiés ?
André Coustou et Paul Pellizzari, les deux généraux sanctionnés, sont des officiers de la deuxième section, c’est-à-dire des retraités pouvant être rappelés en cas de besoin. Coustou, général de brigade, est l’un des principaux signataires de la tribune. Pellizzari, également général de brigade, s’est joint au texte et a soutenu d’autres actions controversées, comme une plainte contre des ministres en 2024. Leur radiation, actée par décrets en avril 2025, marque une sanction rare dans l’histoire militaire française.
Leur profil intrigue. Ce ne sont pas des officiers en activité, mais des retraités. Pourtant, leur statut de 2S les soumet toujours au devoir de réserve, une obligation de neutralité et de discrétion imposée aux militaires, même après leur carrière. En signant une tribune aussi provocatrice, ils ont franchi une ligne rouge.
Le saviez-vous ? Le terme Grande Muette désigne l’armée française pour son silence traditionnel dans le débat public, une règle ancrée dans la République pour garantir la neutralité militaire.
Le Devoir de Réserve : Une Règle Sacro-Sainte
Le devoir de réserve est au cœur de cette affaire. Cette obligation impose aux militaires, actifs ou retraités, de s’abstenir de toute prise de position publique susceptible de nuire à l’image de l’institution ou de politiser l’armée. En publiant une tribune aux accents alarmistes, les généraux ont violé ce principe fondamental.
Pourquoi une telle règle ? L’armée, en France, est une institution républicaine, au service de l’État, non d’un parti ou d’une idéologie. Une prise de parole publique, surtout sur des sujets aussi clivants que l’islamisme ou l’immigration, risque de compromettre cette neutralité. En 2021, la ministre des Armées de l’époque qualifie la tribune d’irresponsable, promettant des sanctions.
Pour mieux comprendre, voici les grandes lignes du devoir de réserve :
- Neutralité : Les militaires ne doivent pas exprimer d’opinions politiques publiques.
- Discrétion : Toute prise de parole doit éviter de nuire à l’image de l’armée.
- Respect de la hiérarchie : Les critiques ouvertes contre l’État ou ses dirigeants sont proscrites.
Une Polémique à l’Approche de la Présidentielle
La tribune de 2021 n’est pas tombée dans le vide. Publiée à un an de l’élection présidentielle de 2022, elle a alimenté un débat déjà brûlant sur l’insécurité, l’immigration et l’identité nationale. Certains y ont vu une tentative de peser sur le scrutin, voire une menace implicite contre la démocratie. D’autres, au contraire, ont salué le courage des généraux pour avoir brisé un tabou.
Le timing n’était pas anodin. Le 21 avril 2021 marquait l’anniversaire du putsch des généraux en 1961, un épisode sombre où des militaires s’étaient opposés à de Gaulle sur la question de l’Algérie. Était-ce une coïncidence ou une provocation ? Les spéculations vont bon train, mais une chose est sûre : la tribune a divisé.
« Cette tribune est une atteinte à la neutralité de l’armée. Elle est irresponsable. »
Ancienne ministre des Armées, 2021
Les Réactions : Entre Condamnation et Soutien
La publication de la tribune a suscité un tollé. Les autorités, à commencer par le gouvernement, ont dénoncé une atteinte grave aux principes républicains. La ministre des Armées a promis des sanctions, tandis que des enquêtes internes ont été lancées pour identifier les responsabilités. Mais tous n’ont pas condamné les généraux.
Dans certains milieux, notamment à droite et à l’extrême droite, la tribune a trouvé un écho. Des responsables politiques ont salué le courage des signataires, estimant qu’ils mettaient des mots sur une réalité ignorée par les élites. Ce clivage montre à quel point la question de l’insécurité et de l’islamisme polarise la société française.
Pour résumer les réactions :
- Gouvernement : Condamnation ferme, sanctions promises.
- Partis de droite : Soutien partiel, voire approbation.
- Opinion publique : Division entre indignation et soutien.
Une Sanction Rare : La Radiation
En avril 2025, quatre ans après la tribune, André Coustou et Paul Pellizzari sont officiellement radiés. Cette sanction, publiée au Journal officiel, est exceptionnelle. Elle signifie que les deux généraux perdent leur statut militaire et leurs droits associés, une mesure symbolique mais lourde de sens.
La radiation n’est pas une décision prise à la légère. Elle intervient après une enquête approfondie et une procédure disciplinaire. Selon le ministère des Armées, les deux hommes ont manqué à leur devoir de réserve en s’exprimant publiquement sur des sujets politiques sensibles. Leur tribune, jugée provocatrice, a terni l’image de l’institution militaire.
Général | Action controversée | Sanction |
---|---|---|
André Coustou | Signature de la tribune de 2021 | Radiation |
Paul Pellizzari | Signature de la tribune et plainte contre des ministres | Radiation |
Un Contexte Plus Large : L’Armée et la Politique
Cette affaire dépasse le cas des deux généraux. Elle pose une question essentielle : quelle est la place de l’armée dans le débat public ? En France, l’institution militaire est historiquement apolitique, mais les tensions sociales et les crises sécuritaires poussent certains à sortir du silence. Est-ce un signe de fracture entre l’armée et la société ?
Le contexte des années 2020 n’est pas anodin. Les attentats terroristes, les débats sur l’immigration et les violences urbaines ont exacerbé les tensions. Certains militaires, même retraités, se sentent investis d’une mission de sauvegarde. Mais en s’exprimant publiquement, ils risquent de politiser une institution censée rester neutre.
Et Maintenant ? Les Leçons à Tirer
La radiation des deux généraux clôt un chapitre, mais les questions restent. Comment concilier la liberté d’expression des militaires retraités avec leur devoir de réserve ? Comment éviter que l’armée ne soit instrumentalisée dans les débats politiques ? Ces enjeux sont cruciaux pour l’avenir de la démocratie française.
En attendant, cette affaire rappelle une vérité : l’armée, pilier de la République, doit naviguer avec prudence dans un monde où les mots peuvent devenir des armes. La tribune de 2021, par son audace et ses excès, a montré les limites de cette liberté. Reste à savoir si d’autres suivront cet exemple, ou si le silence redeviendra la norme.
En résumé : La radiation de Coustou et Pellizzari est une sanction rare pour un manquement au devoir de réserve. Elle souligne la tension entre neutralité militaire et liberté d’expression, dans un contexte de fractures sociales.