C’est une petite bombe dans le paysage politique français. Arno Klarsfeld, avocat renommé et fils du célèbre “chasseur de nazis” Serge Klarsfeld, a déclaré qu’il voterait sans hésiter pour le Rassemblement National (RN) plutôt que pour la France Insoumise (LFI) s’il devait choisir entre les deux. Une prise de position surprenante de la part de cet homme engagé, qui avait pourtant mis en garde contre les dangers de l’extrême droite par le passé. Alors, revirement opportuniste ou évolution sincère ? Décryptage d’une polémique qui ne manquera pas de faire parler.
Arno Klarsfeld : “Entre Mélenchon et le RN, je choisis sans hésiter le RN”
C’est dans les colonnes du Monde qu’Arno Klarsfeld a lâché cette petite phrase lourde de sens. Interrogé sur un éventuel second tour entre le RN et LFI, l’avocat a déclaré : “Entre [Jean-Luc] Mélenchon [le leader de LFI] et le RN, je choisis sans hésiter le Front national.” Un choix qu’il justifie en estimant que “Marine Le Pen a changé, elle n’est pas raciste et antisémite”, contrairement à LFI qu’il juge “antisémite derrière un voile diaphane antisioniste”. Des propos qui ont immédiatement suscité l’indignation d’une partie de la classe politique, peu habituée à un tel positionnement de la part d’Arno Klarsfeld.
Un changement de position radical
Il faut dire qu’en 2017, le même Arno Klarsfeld n’avait pas de mots assez durs contre le Front National (ancien nom du RN). Il expliquait alors à L’Obs :
Il y aura une purge sous un gouvernement aux couleurs du Front national. Tous les régimes d’extrême droite l’ont fait et ont apporté le malheur aux peuples.
Arno Klarsfeld en 2017
Visiblement, son analyse a bien changé en 7 ans. Selon lui, Marine Le Pen aurait réussi sa dédiabolisation, au point de devenir plus fréquentable que Jean-Luc Mélenchon. Une vision des choses loin d’être partagée par tous, y compris au sein de sa propre famille politique.
Serge Klarsfeld sur la même ligne
Pourtant, Arno Klarsfeld n’est pas le seul de sa famille à opérer ce revirement spectaculaire. Son père, le célèbre Serge Klarsfeld, a lui aussi indiqué qu’il voterait RN si un second tour l’opposait à LFI. Une prise de position qui a de quoi surprendre de la part de ce militant antiraciste historique, qui a consacré sa vie à traquer les anciens nazis.
Mais pour Serge comme pour Arno Klarsfeld, c’est visiblement l’attitude de LFI vis-à-vis d’Israël et de la question palestinienne qui cristallise les rancœurs. Un “antisionisme” dans lequel ils voient les germes d’un nouvel antisémitisme, bien plus menaçant à leurs yeux que l’extrême droite “dédiabolisée” de Marine Le Pen.
LFI contre-attaque
Face à ces attaques, LFI n’a pas tardé à riposter. Pour les Insoumis, il est impensable d’être accusés d’antisémitisme, un combat qui a toujours fait partie de leur ADN. Ils dénoncent une manipulation et un procès d’intention de la part des Klarsfeld, visant à les discréditer et à minimiser la menace d’extrême droite.
Arno et Serge Klarsfeld cèdent à une vision simpliste et binaire opposant de façon caricaturale un RN soit-disant fréquentable à une LFI diabolisée. C’est irresponsable et indigne de leur combat.
Un député LFI
De leur côté, de nombreuses personnalités issues de la gauche mais aussi du centre et de la droite modérée se sont émues de la position des Klarsfeld, y voyant un dangereux signal de banalisation de l’extrême droite. Beaucoup craignent que leur prise de parole ne serve de caution morale au RN et ne conforte Marine Le Pen dans sa stratégie de normalisation.
Un éternel débat
Au fond, la polémique Klarsfeld ravive un débat qui traverse la vie politique française depuis des années : l’extrême droite s’est-elle “dédiabolisée” au point de devenir un parti comme les autres ? Ou reste-t-elle fondamentalement la même, malgré les efforts de lifting de Marine Le Pen ?
Une chose est sûre, prendre position sur un tel sujet est toujours extrêmement clivant, y compris lorsque l’on s’appelle Klarsfeld. Les déclarations d’Arno et Serge ne manqueront pas de faire couler beaucoup d’encre et de raviver les passions autour de l’épineuse question de la “lepénisation des esprits”. Jusqu’où ira ce mouvement ? L’avenir nous le dira.