A moins de trois semaines des élections législatives anticipées, provoquées par la dissolution surprise de l’Assemblée Nationale au lendemain des européennes, un sondage exclusif Ifop-Fiducial pour Le Figaro vient bousculer les pronostics. Principal enseignement : le Rassemblement National de Marine Le Pen est donné largement en tête des intentions de vote au 1er tour avec 34%, devant la gauche unie de la Nupes (25%) et la majorité présidentielle Ensemble! (20%) qui accuse un net recul.
Le RN profite de la dynamique des européennes
Surfant sur son score des européennes (24%) où il est arrivé en tête, le parti d’extrême-droite semble avoir le vent en poupe et s’impose dans les sondages comme la première force politique du pays. Un statut renforcé par la notoriété de Marine Le Pen, donnée gagnante dans 376 circonscriptions selon l’Ifop.
Le RN incarne une certaine stabilité dans un paysage politique fragmenté.
– Jean-Daniel Levy, directeur délégué d’Harris Interactive
Pour les experts, le parti lepéniste profite pleinement de la tripolarisation de la vie politique française, accentuée par ces législatives surprise. Face à une majorité sortante affaiblie et des alliances de circonstances à gauche, le RN apparaît comme un vote refuge pour une partie croissante de l’électorat.
La Nupes, principale force d’opposition
Derrière le RN, la gauche unie sous la bannière de la Nouvelle Union Populaire Écologiste et Sociale (Nupes) tire son épingle du jeu en rassemblant un quart des intentions de vote. Emmené par Jean-Luc Mélenchon, ce bloc de gauche fédérant LFI, le PS, EELV et le PCF, entend bien s’imposer comme le principal opposant à Emmanuel Macron.
- La Nupes vise une centaine de députés
- Jean-Luc Mélenchon espère un groupe puissant à l’Assemblée
- L’union de la gauche bouscule les rapports de force
Mais la solidité de cet attelage composite, formé dans l’urgence, sera mise à l’épreuve de la campagne. Les divergences idéologiques entre les partenaires pourraient limiter la portée de cette union.
Ensemble! distancé, Macron fragilisé
Le grand perdant de ce sondage est sans conteste la coalition présidentielle Ensemble! (LREM, MoDem, Horizons). Avec seulement 20% des voix, elle accuse près de 10 points de retard sur le RN. La dissolution, pari politique risqué d’Emmanuel Macron, se retournerait contre lui.
Plombée par un bilan contesté et l’usure du pouvoir, la majorité espère limiter la casse. Mais même en jouant la carte de la peur du “chaos” en cas de victoire des extrêmes, elle part avec un sérieux handicap. Le spectre d’une cohabitation se renforce.
Ensemble! paie le prix fort de l’impopularité d’Emmanuel Macron.
– Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop
L’hypothèse d’une majorité RN à l’Assemblée
Ces chiffres ouvrent la perspective d’un séisme politique. Pour la première fois, le RN pourrait devenir le premier groupe à l’Assemblée Nationale, bouleversant le fonctionnement des institutions. Si une majorité absolue RN semble encore peu crédible, l’hypothèse d’une forte présence lepéniste au Palais Bourbon est désormais envisageable.
Un tel scénario obligerait les autres forces politiques à des alliances défensives pour contrer l’extrême-droite. Mais dans un contexte de fortes divisions, la constitution d’un “front républicain” paraît incertaine. Le second tour s’annonce donc décisif.
Une abstention record en vue ?
Cette séquence électorale inédite, un mois après les européennes, attise la confusion chez des électeurs déroutés. Avec une campagne éclair et des enjeux brouillés, la participation s’annonce comme l’une des clés du scrutin. Ce sondage révèle une forte propension à l’abstention, notamment chez les jeunes et les catégories populaires.
| Catégorie | Intention d’abstention |
| 18-24 ans | 68% |
| Ouvriers | 59% |
| Employés | 55% |
Ce désintérêt profite mécaniquement au RN dont l’électorat reste le plus mobilisé. Une forte démobilisation pourrait accentuer son avance, faute d’adversaires en mesure de faire barrage.
Ce sondage sonne comme un avertissement à trois semaines d’un scrutin à haut risque. Dans une France fracturée, où les populismes progressent, l’issue des législatives est plus que jamais incertaine. L’avenir politique d’Emmanuel Macron et la stabilité des institutions sont en jeu. Réponse les 30 juin et 7 juillet dans les urnes.
