Nichée au cœur de Bordeaux, l’église Sainte-Eulalie, joyau architectural plusieurs fois centenaire, se retrouve aujourd’hui au centre d’un étrange ballet. Aux abords de l’édifice religieux, une réalité crue s’est installée, faite de trafics, de précarité et d’errance. Un contraste saisissant qui met en lumière certains maux de la cité girondine.
Le Refuge Éternel de Sainte-Eulalie
Depuis des siècles, les murs de pierre de Sainte-Eulalie ont été témoins de l’histoire de Bordeaux. Mais ces dernières années, c’est un tout autre spectacle qui se joue à ses portes. Trafic de drogue, misère et désespoir semblent avoir élu domicile sur le parvis et les flancs de l’église.
D’après une source proche du dossier, le bâtiment se retrouve cerné par une « misérable trilogie ». Sur son flanc sud, un campement de fortune abrite des sans-abri depuis plusieurs années maintenant. Au nord, c’est le rendez-vous des toxicomanes et de leurs seringues, laissant régulièrement des traces sanglantes sur la porte du presbytère. Et à la nuit tombée, l’arrière de l’église devient le terrain de jeu des dealers.
Une Harmonie Préservée Malgré Tout
Pourtant, au milieu de ce décor peu reluisant, les paroissiens semblent avoir trouvé leur équilibre. L’abbé Jean Pichon, curé de Sainte-Eulalie, se veut rassurant :
Il n’y a pas de violences envers les catholiques ni de souci de sécurité durant les offices.
Une sérénité qui ne l’empêche pas pour autant de s’inquiéter de la situation, craignant de voir son église connaître le même sort que l’abbatiale Sainte-Croix, contrainte de fermer ses portes en journée.
Le Casse-Tête des Autorités
Face à cette situation insolite, la mairie de Bordeaux semble quelque peu démunie. Laurent Guillemin, maire adjoint du quartier, reconnaît la complexité du problème :
C’est un sujet compliqué […]. D’un point de vue légal, nous sommes allés au bout de ce que nous pouvions faire.
En effet, malgré les tentatives de médiation et de relogement, certains SDF refusent catégoriquement de quitter leur campement. Quant au problème des dealers et des toxicomanes, la municipalité renvoie la balle aux services de l’État, estimant que cela relève de la compétence de la police nationale et de la justice.
Des Projets pour Redonner Vie à la Place
Malgré ces difficultés, la mairie n’entend pas baisser les bras. Un projet de réhabilitation de la place Sainte-Eulalie est dans les tuyaux, avec l’ambition de redonner à cet espace son rôle de lieu de vie et de rencontre pour les riverains :
Nous avons remarqué que lorsqu’il y a du passage et de la vie sur une place, les personnes qui y vivent de manière marginalisée s’en vont.
– Laurent Guillemin, maire adjoint
L’idée ? Installer des jeux pour enfants, planter des arbres, donner un nouveau souffle à ce « terrain vague » qu’est devenue la place au fil des ans. Un projet encore au stade de l’ébauche, mais qui témoigne de la volonté de la municipalité de ne pas abandonner ce quartier.
L’Énigme sans Fin des Villes
L’histoire de Sainte-Eulalie n’est finalement qu’un reflet parmi tant d’autres des défis constants auxquels sont confrontées nos villes. Patrimoine, précarité, sécurité, vivre-ensemble… Autant de pièces d’un puzzle urbain qui ne cesse de se recomposer, au gré des évolutions de notre société.
Face à ces enjeux, les réponses sont rarement simples ou immédiates. Mais une chose est sûre : c’est dans le dialogue, l’empathie et l’inventivité que résident les clés. Des valeurs que l’on retrouve, finalement, dans l’esprit même de ces lieux de culte comme Sainte-Eulalie, points de repère intemporels dans le tumulte de la cité.