Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche ne laisse personne indifférent, et certainement pas François Fillon. L’ancien Premier ministre français, aujourd’hui en retrait de la vie politique, a tenu à livrer son analyse sur cet événement qui marque un tournant dans la vie politique américaine et internationale. Sans tomber dans la caricature ou l’admiration béate, il dresse un portrait nuancé et lucide du 45e président des États-Unis, tout en appelant l’Europe à tirer les leçons de cette élection.
Une victoire populaire sur fond de rejet des élites
Pour François Fillon, la victoire de Donald Trump n’est pas une surprise. Elle s’inscrit dans un mouvement de fond qui traverse les démocraties occidentales : le rejet des élites jugées « déconnectées » par une partie croissante de la population. Le milliardaire républicain a su capter cette colère en promettant de s’attaquer aux maux qui inquiètent les Américains : « l’immigration incontrôlée, les folies wokistes, le risque de guerres multiples ».
Une stratégie payante, même si l’ex-chef du gouvernement français se garde bien de cautionner les excès et les outrances du bouillonnant président. « Donald Trump n’est pas Captain America », tacle-t-il dans un tweet, mettant en garde contre toute tentation de « s’émerveiller de la brutalité de son projet ». Une pique à peine voilée à l’extrême droite française, prompte à voir en Trump un modèle.
Le dur retour au principe de réalité
Car pour François Fillon, les promesses du candidat Trump risquent de se heurter rapidement aux réalités économiques et géopolitiques. « Il sera vite confronté à des réalités qui repousseront l’horizon de l’Âge d’or », prédit-il, pointant notamment les « ambitions légitimes des États-Unis » qui font craindre une guerre commerciale avec l’Europe et la Chine.
Un avertissement qui vaut aussi pour la France et le Vieux Continent, tentés de suicer sur son chemin. « En diabolisant le président des États-Unis ou en s’émerveillant de la brutalité de son projet, on acte notre vassalisation », met en garde François Fillon. Plutôt que de critiquer ou d’admirer béatement, il appelle à une prise de conscience européenne.
L’impératif d’une Europe souveraine
Face à l’imprévisibilité trumpienne et aux menaces qui pèsent sur le multilatéralisme, l’ancien Premier ministre exhorte l’UE à reprendre son destin en main. Et de dérouler une feuille de route ambitieuse : « redresser nos finances publiques, réduire la fiscalité, tailler dans les réglementations qui stérilisent l’innovation, protéger l’Europe des ingérences américaines, assurer notre indépendance énergétique et bâtir un système de sécurité européen ».
Un vaste chantier qui nécessitera de la volonté politique et un sursaut unitaire des 27. « Si nous n’y prenons pas garde, nous serons les dindons de la farce du duel sino-américain », alerte François Fillon, plaidant pour une « autonomie stratégique » européenne, seule à même de défendre les intérêts du continent.
Un positionnement en phase avec celui défendu pendant la campagne présidentielle de 2017, qui l’avait vu échouer de peu face à Emmanuel Macron. Preuve que sur les enjeux de souveraineté, l’ancien Premier ministre n’a pas varié. Tout en refusant la politique de la chaise vide face à Washington, François Fillon trace un chemin étroit, entre partenariat assumé et indépendance revendiquée.
Ni angélisme ni diabolisation
Une ligne de crête que résume sa conclusion : « sans angélisme » face aux défis posés par l’Administration Trump, mais « sans diabolisation » non plus. « Je souhaite bonne chance à Donald Trump », conclut-il, non sans une pointe d’ironie, comme pour mieux souligner l’immensité de la tâche qui attend le locataire de la Maison-Blanche.
Fidèle à son tempérament mesuré, François Fillon livre une analyse dénuée de tout manichéisme sur ce début de mandat hors norme. Un propos qui détonne dans un paysage politico-médiatique souvent prompt aux raccourcis et aux jugements à l’emporte-pièce. Reste à savoir si son appel à une Europe plus forte et plus unie sera entendu, alors que les forces centrifuges n’ont jamais semblé aussi puissantes sur le Vieux Continent.