La décision fracassante de Donald Trump de retirer les États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) provoque une véritable secousse dans le monde de la santé internationale. Ce retrait, promis de longue date par le président américain, risque de compliquer considérablement la lutte globale contre les maladies et les pandémies. Retour sur les dessous d’un séisme géopolitique aux lourdes conséquences sanitaires.
Trump et l’OMS : la rupture
Depuis son arrivée au pouvoir, Donald Trump n’a cessé de critiquer l’OMS, l’accusant notamment d’être trop proche de la Chine. Lors de son premier mandat, il avait déjà brandi la menace d’un départ. Cette fois, c’est chose faite : les États-Unis officialisent leur retrait, estimant que l’organisation « escroque » leur pays. Un départ qui prendra effet un an après la notification formelle à l’ONU.
Mais au-delà des accusations de partialité, c’est surtout une question d’argent qui motive la décision de Trump. Premiers contributeurs au budget de l’OMS, les États-Unis jugent que la Chine ne paie pas suffisamment en comparaison. Une analyse contestable, mais qui en dit long sur la vision transactionnelle qu’a le président américain des relations internationales.
L’OMS face à un séisme financier
Pour l’Organisation mondiale de la santé, c’est un véritable choc. Le départ de son plus gros bailleur de fonds va inévitablement affecter ses capacités d’action. Sur le budget 2022-2023 de 7,89 milliards de dollars, les États-Unis ont contribué à hauteur de 1,3 milliard, soit plus de 16%. Loin devant l’Allemagne et ses 856 millions.
Bien que l’organisation se veuille prudente, affirmant qu’il est « trop tôt » pour évaluer l’impact précis, il ne fait guère de doute que certains programmes devront être revus à la baisse. Des coupes budgétaires de 15% obligeront l’OMS à revoir ses priorités, comme l’explique Suerie Moon, codirectrice du Centre de santé mondiale de Genève.
Une organisation peut survivre avec une coupe de 15% de son budget mais en revoyant ses priorités.
Suerie Moon, codirectrice du Centre de santé mondiale de Genève
Les États-Unis, un acteur sanitaire crucial
Au-delà de l’aspect financier, c’est tout le rôle central des États-Unis dans la santé mondiale qui est remis en cause. Comme le souligne l’OMS, Washington a joué un rôle déterminant dans la lutte contre des fléaux comme la polio, Ebola ou encore le VIH. Un engagement historique qui risque de faire défaut à l’avenir.
D’autant que parallèlement à ce retrait, Donald Trump a nommé Robert F. Kennedy Jr, figure connue du mouvement anti-vaccin, à la tête du ministère de la Santé. Un signal inquiétant qui laisse présager de potentielles obstructions à venir dans les grands chantiers sanitaires internationaux.
Un avenir incertain pour la santé mondiale
Consciente des risques, l’OMS tente malgré tout de garder espoir. Elle appelle de ses vœux un « dialogue constructif » avec l’administration Trump, espérant sans doute un revirement. Mais dans les faits, les dégâts pourraient s’avérer durables et profonds.
Car au-delà du trou béant laissé dans le budget de l’OMS, c’est toute l’architecture de la santé mondiale qui vacille. L’accord sur les pandémies, en cours de négociation, pourrait ainsi être fragilisé par le retrait américain. Un texte pourtant crucial pour mieux coordonner la réponse internationale aux crises sanitaires…
Avec le retrait des États-Unis, tout le château de cartes pourrait s’écrouler.
Richard Gowan, International Crisis Group
L’Europe, qui reste engagée auprès de l’OMS, parviendra-t-elle à maintenir le cap ? Rien n’est moins sûr. Car le retrait américain pourrait offrir à d’autres pays « une porte de sortie facile », comme l’analyse Suerie Moon. Autant de défections potentielles qui mettraient en péril le fragile édifice de la gouvernance sanitaire mondiale.
À l’heure où les défis sanitaires planétaires se multiplient, du réchauffement climatique à la résurgence de certaines maladies, la décision de Donald Trump apparaît plus que jamais comme un pari risqué. Un pari dont l’humanité tout entière pourrait bien payer le prix fort dans les années à venir.