La Corée du Sud traverse actuellement l’une des plus graves crises politiques de son histoire. Au cœur du scandale, le président Yoon Suk Yeol, suspendu de ses fonctions et accusé de « sédition » pour avoir tenté de déclarer la loi martiale dans le pays. Face à la tempête, le dirigeant conservateur résiste et défie la justice, aggravant chaque jour un peu plus le chaos dans la 4ème puissance économique d’Asie.
Le président Yoon, de la gloire à la disgrâce
Ancien procureur vedette, Yoon Suk Yeol avait été élu triomphalement à la tête de la Corée du Sud en 2022, porté par un programme conservateur et une image d’intégrité. Mais à peine un an et demi plus tard, le voilà suspendu, décrié, et en passe d’être destitué. Son tort ? Avoir voulu décréter la loi martiale début décembre, officiellement pour protéger le pays des « forces communistes nord-coréennes » et « éliminer les éléments hostiles à l’État ».
Une décision qui a immédiatement été perçue comme une tentative de coup d’État par l’opposition, déclenchant une procédure de destitution au Parlement. Yoon est ainsi devenu le premier président sud-coréen en exercice à être suspendu, et inculpé pour « rébellion » – un crime passible de la peine de mort selon les lois du pays. Une chute vertigineuse pour celui qui incarnait il y a peu encore l’avenir de la droite coréenne.
Yoon joue l’épreuve de force avec la justice
Mais loin de s’avouer vaincu, le président déchu a choisi la voie de la confrontation. Retranché depuis des semaines dans son complexe présidentiel, protégé par des fidèles, Yoon Suk Yeol refuse obstinément de se soumettre aux convocations des enquêteurs. Il a même refusé d’être interrogé après son arrestation mercredi à l’aube, à l’issue d’un raid spectaculaire des forces de l’ordre.
Je me suis plié aux exigences des enquêteurs pour éviter toute effusion de sang, mais je ne reconnais pas la légalité de cette enquête.
Yoon Suk Yeol, président suspendu de Corée du Sud
Le dirigeant conservateur crie au « complot politique » et dénonce « un coup d’État judiciaire ». Son parti le soutient, qualifiant son arrestation « d’illégale ». De quoi électriser ses partisans les plus radicaux, qui manifestent quotidiennement devant son lieu de détention en scandant des slogans trumpistes comme « Stop the Steal » ou « Make Korea Great Again ». Un engrenage dangereux dans un pays encore traumatisé par l’autoritarisme et les coups d’État militaires.
Un vote de destitution déterminant samedi
Le sort de Yoon Suk Yeol, et l’avenir proche de la Corée du Sud, pourraient se jouer samedi lors d’un vote solennel à l’Assemblée nationale. Les députés devront se prononcer sur la destitution du président, une première dans l’histoire tumultueuse de la jeune démocratie sud-coréenne. Si une majorité des deux tiers vote en faveur de l’éviction définitive de Yoon, de nouvelles élections présidentielles devront être organisées dans les 60 jours.
Mais l’opposition de centre-gauche, bien que majoritaire au Parlement, n’est pas assurée d’atteindre cette majorité qualifiée. Le Parti du Pouvoir au Peuple de Yoon promet en effet de boycotter « ce simulacre de procès ». Et les partis centristes hésitent encore, craignant qu’une destitution n’aggrave le chaos politique et économique dans un pays déjà déstabilisé par les tensions avec la Corée du Nord et la rivalité sino-américaine.
La société coréenne sous le choc
Au-delà des cercles du pouvoir, c’est toute la société sud-coréenne qui semble comme sonnée par cette crise sans précédent. Dans un pays façonné par la menace nord-coréenne et attaché à la stabilité constitutionnelle, beaucoup ont du mal à réaliser qu’un président élu démocratiquement ait pu vouloir recourir à la loi martiale. « J’ai l’impression de vivre un mauvais rêve, que la dictature est de retour », confie ainsi Park Min-jung, une étudiante de 24 ans.
Mais d’autres, principalement dans les franges conservatrices et âgées de la population, continuent de soutenir Yoon, louant son « patriotisme » et sa « fermeté » face à la « menace rouge ». « Le président a eu raison de vouloir protéger le pays, même si ses méthodes étaient maladroites », estime ainsi Kim Seong-min, un retraité de 74 ans. Un clivage générationnel et idéologique qui risque de s’aggraver, quel que soit le résultat du vote de destitution.
La Corée du Sud face à un avenir incertain
Car au-delà du sort personnel de Yoon Suk Yeol, c’est bien la stabilité et l’image même de la Corée du Sud qui sont en jeu. Ce pays, devenu en quelques décennies un modèle de développement et de transition démocratique, se retrouve brutalement confronté à ses vieux démons autoritaires. Et ce au pire moment, alors que les tensions militaires avec le Nord sont au plus haut et que la guerre en Ukraine et la rivalité Chine-USA assombrissent l’horizon.
Destitution ou pas, il faudra du temps à la société coréenne pour panser les plaies de cette crise politique inédite. Et pour restaurer la confiance dans des institutions démocratiques fragilisées par la tentation autocratique d’un homme. L’histoire tumultueuse de la Corée du Sud connaît un nouveau chapitre sombre, dont elle espère sortir grandie et non affaiblie. Mais l’avenir, comme souvent dans cette péninsule meurtrie, reste incertain.