Dans un secteur de la presse écrite en profonde mutation, les mauvaises nouvelles s’enchaînent pour les journaux régionaux. Dernier exemple en date avec l’annonce par la direction du Courrier Picard d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui devrait se traduire par la suppression de 18 postes, soit 20% des effectifs de ce titre diffusé dans la Somme, l’Oise et l’Aisne.
Un plan social qui touche tous les services
Fondé en 1944, le Courrier Picard fait face comme beaucoup de ses confrères à une érosion de ses ventes et à une transition numérique compliquée. Avec une diffusion de seulement 37 400 exemplaires en 2023-2024, des choix drastiques s’imposaient selon sa direction. Le PSE présenté prévoit ainsi la suppression de :
- 12 postes d’éditeurs, soit la totalité de ce service de relecture et de mise en page
- 3 postes d’adjoints au sein de la rédaction en chef
- 3 postes à la comptabilité
Deux postes en CDD sont également concernés tandis que seulement deux créations de postes sont prévues par ailleurs. Une restructuration en profondeur qui suscite l’inquiétude des salariés.
L’incompréhension des syndicats
Même si le journal reste bénéficiaire selon les syndicats, avec un résultat positif attendu entre 300 000 et 400 000 euros en 2024, ceux-ci dénoncent un plan disproportionné et craignent pour la qualité du titre.
On ne s’attendait pas à un PSE si tôt, et surtout pas d’une telle ampleur
Jeanne Demilly, secrétaire du CSE et élue SNJ
Réunis en assemblée générale, les salariés ont voté à l’unanimité une motion de défiance à l’égard de leur direction. Des contre-propositions devraient être faites pour tenter de limiter les suppressions de postes.
La direction assume un choix stratégique
Face aux critiques, la direction assume un « choix stratégique » visant à pérenniser le journal en se séparant de services jugés non essentiels. Ainsi, la suppression du pôle édition s’explique selon le directeur général :
Tous les médias qui sont nos concurrents fonctionnent sans service d’éditing et ils nous prennent des parts de marché. Les éditeurs ont une fonction très importante au sein de notre journal mais nous n’avons pas forcément les moyens de les maintenir.
David Guévart, directeur général du Courrier Picard
Une façon pour le titre d’« orienter les moyens de l’entreprise sur le journalisme de terrain » mais qui ne convainc pas en interne où l’on s’inquiète des conséquences sur la qualité du journal et les conditions de travail des équipes.
Un symptôme de la crise de la presse quotidienne régionale
Au-delà du cas du Courrier Picard, c’est tout le secteur de la presse quotidienne régionale qui souffre. Avec des ventes papier en chute libre et des revenus publicitaires qui peinent à se reporter sur le digital, de nombreux titres sont contraints de se restructurer.
Certains s’en sortent mieux que d’autres, en misant notamment sur le développement des abonnements numériques et des offres premium. Mais globalement, le secteur joue sa survie, tiraillé entre le maintien d’une présence locale forte et la nécessité de réduire les coûts.
Quel avenir pour le Courrier Picard ?
Malgré ce plan social drastique, la direction se veut confiante dans l’avenir du titre. Avec une meilleure allocation des ressources sur le numérique et les contenus premium, elle espère renouer avec une croissance rentable.
Mais les doutes sont permis au vu des tendances lourdes du marché. Et si le Courrier Picard venait à disparaître, c’est une source d’information de proximité qui se tarirait pour les habitants de la Somme, de l’Oise et de l’Aisne.
Le journalisme local a-t-il encore un avenir ?
Une question que se posent de nombreux observateurs du secteur des médias. Car au-delà des enjeux économiques, c’est le rôle démocratique de la presse locale qui est en jeu. Qui pour informer sur la vie des territoires, des communes, des associations, si les journaux régionaux venaient à disparaître massivement ?
Des pure players émergent, des modèles alternatifs aussi comme la coopérative « J’aime L’info » lancée par d’anciens salariés de Paris-Normandie. Mais le modèle est fragile et rien ne dit qu’il pourra remplacer le maillage serré de la PQR.
L’avenir du Courrier Picard, et plus largement de la presse locale, reste donc très incertain. Un nouveau symptôme de la difficile transition des médias traditionnels à l’ère numérique. Avec à la clé un risque réel pour le pluralisme de l’information et la vie démocratique locale.