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Militante tanzanienne enlevée au Kenya par les renseignements

Maria Sarungi Tsehai, militante de premier plan, enlevée en plein jour à Nairobi. Amnesty et "Change Tanzania" pointent du doigt une répression transnationale pour réduire au silence les voix critiques. Un acte choquant à l'approche des élections tanzaniennes. Jusqu'où iront-ils pour faire taire l'opposition ?

Un événement choquant secoue l’Afrique de l’Est. Maria Sarungi Tsehai, éminente militante tanzanienne des droits humains, a été enlevée dimanche en plein cœur de Nairobi, capitale du Kenya. Selon les témoignages recueillis par Amnesty International, trois hommes armés circulant dans une Toyota noire ont perpétré ce kidnapping en plein jour, vers 15h, dans le quartier de Kilimani. Un acte d’une violence inouïe qui soulève l’indignation.

Une voix puissante réduite au silence

Maria Sarungi Tsehai n’est pas une activiste comme les autres. Forte de ses 1,3 million d’abonnés sur le réseau social X, anciennement Twitter, elle mène depuis des années un combat acharné pour la liberté d’expression, le changement politique et le respect des droits des femmes en Tanzanie. Son audace et son engagement sans faille en ont fait une figure de proue de la société civile, mais aussi une cible de choix pour ceux qui voudraient la faire taire.

Le mouvement citoyen « Change Tanzania », qu’elle a fondé, n’a pas tardé à réagir. Dans un message poignant posté sur X, il a ouvertement accusé les services de renseignement tanzaniens d’être à la manœuvre, les soupçonnant d’opérer au-delà des frontières pour « réduire au silence les critiques légitimes ». Une hypothèse reprise par Amnesty, qui dénonce une « tendance croissante et inquiétante de répression transnationale » dans la région.

Le spectre des dérives autoritaires

Car le timing de cet enlèvement est loin d’être anodin. La Tanzanie s’apprête en effet à tenir des élections présidentielle et législatives cet automne, dans un climat de plus en plus tendu. Depuis plusieurs mois, l’opposition dénonce une recrudescence des kidnappings et des intimidations visant ses membres, y voyant le signe d’un retour en force des pratiques de l’ère Magufuli.

John Magufuli, prédécesseur de l’actuelle présidente Samia Suluhu Hassan, avait été pointé du doigt pour sa dérive autoritaire et sa répression brutale des voix dissidentes durant son mandat. Son décès soudain en mars 2021 avait suscité l’espoir d’une inflexion vers plus d’ouverture, mais cet espoir semble aujourd’hui s’évanouir. L’ombre de Magufuli plane-t-elle toujours sur la Tanzanie ?

Le Kenya, théâtre d’exactions extrajudiciaires ?

Le rôle trouble du Kenya dans cette affaire ne peut pas non plus être ignoré. Ce n’est pas la première fois que Nairobi est mis en cause pour avoir laissé des gouvernements étrangers opérer en toute impunité sur son sol. Enlèvements, extraditions forcées, violations du droit international… les précédents ne manquent pas. Une situation qui inquiète au plus haut point les défenseurs des droits de l’homme.

« Le courage de sa lutte en faveur de la justice a fait d’elle une cible, mais nous ne laisserons pas cette situation la réduire au silence. »

Change Tanzania

Face à ce défi, la société civile refuse de baisser les bras. « Change Tanzania » a d’ores et déjà promis de tout mettre en œuvre pour obtenir la libération de sa leader et faire toute la lumière sur les circonstances de son enlèvement. Amnesty International a également appelé les autorités kényanes et tanzaniennes à agir de toute urgence pour garantir l’intégrité de Maria Sarungi Tsehai et la traduire devant un juge dans les plus brefs délais.

Un test pour la démocratie

Au-delà du sort d’une femme, aussi emblématique soit-elle, c’est bien la santé démocratique de toute une région qui se joue. Les prochaines semaines seront décisives. Les autorités tanzaniennes sauront-elles entendre les critiques légitimes et renouer avec l’État de droit ? Le Kenya assumera-t-il enfin ses responsabilités de garant des libertés fondamentales ? Les chancelleries occidentales, si promptes à donner des leçons, mettront-elles tout leur poids dans la balance ?

Autant de questions qui restent en suspens, mais une chose est sûre : le combat mené par Maria Sarungi Tsehai et ses pairs ne doit pas rester vain. C’est l’honneur et l’avenir de toute une région qui sont en jeu. L’enlèvement d’une activiste ne doit pas marquer l’enlisement d’un continent. Au contraire, il doit être le déclic pour une prise de conscience collective et un sursaut démocratique. Car comme l’a si justement rappelé « Change Tanzania » : « nous ne laisserons pas cette situation la réduire au silence ». La balle est dans le camp des dirigeants.

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