De nouvelles propositions pour la révision du Code de la famille marocain ont été annoncées ce mardi. Au cœur des discussions : le mariage des mineures, l’héritage et les droits des femmes. Des changements qui, s’ils représentent une avancée, ne répondent pas encore totalement aux aspirations des mouvements féministes du pays. Après deux ans de consultations, le ministre de la Justice a dévoilé les principaux axes de cette potentielle réforme. Parmi eux, une révision des dérogations permettant de marier des mineures et un renforcement du rôle des femmes en matière de tutelle et de garde des enfants. Mais les militantes des droits des femmes espèrent depuis longtemps des mesures plus radicales comme l’interdiction pure et simple du mariage des mineures, de la polygamie, et l’égalité en matière d’héritage.
Quelles Sont les Principales Propositions ?
Bien que l’âge légal du mariage reste fixé à 18 ans, des dérogations pour marier des mineures dès 17 ans pourront toujours être accordées par les juges, contre 15 ans actuellement. La tutelle des enfants, jusqu’ici réservée au père, serait désormais partagée entre les deux époux, y compris après un divorce. Les mères divorcées ne risqueraient plus de perdre la garde de leurs enfants en se remariant. Côté héritage, où les femmes n’héritent actuellement que de la moitié de la part des hommes, il serait possible de faire des donations sans limitation aux héritières, même mineures. Enfin, pour se marier à une deuxième épouse, l’avis de la première devra obligatoirement être demandé et intégré au contrat de mariage.
Un Long Chemin Législatif
Toutes ces propositions devront cependant encore passer par le circuit législatif, dont le calendrier n’a pas été précisé. C’est le roi Mohammed VI qui a initié en 2022 cette nouvelle réforme de la Moudawana, le Code de la famille marocain. Un comité dédié a planché pendant six mois avant de soumettre ses recommandations en mars 2024. Le souverain a ensuite saisi le Conseil supérieur des Oulémas, la plus haute autorité religieuse du pays, pour examiner les aspects touchant aux textes religieux.
Les Revendications des Associations Féministes
Si le Maroc avait déjà fait un pas en avant en 2004 en adoptant un Code de la famille plus favorable aux femmes, le texte était resté en-deçà des attentes des défenseurs des droits des femmes. Les associations féministes marocaines réclament en effet de longue date des changements plus profonds comme :
- L’interdiction totale du mariage des mineures, sans exceptions
- L’abolition de la polygamie
- L’égalité complète entre hommes et femmes en matière d’héritage
« Ces propositions de réforme sont loin de répondre à nos revendications. Nous continuerons à nous battre pour une véritable égalité des droits. »
Une militante d’une association de défense des droits des femmes
Quel Impact pour les Marocaines ?
Si elles sont adoptées, ces nouvelles dispositions représenteraient malgré tout des avancées non négligeables pour les femmes marocaines, notamment :
- Une meilleure protection des adolescentes face aux mariages précoces
- Un renforcement de l’autorité des mères sur leurs enfants
- Une possibilité d’améliorer leur situation en tant qu’héritières
- Un droit de regard sur les velléités polygames de leur époux
Des changements importants donc, mais qui restent en-deçà des standards internationaux en matière d’égalité hommes-femmes. Le Maroc semble ainsi progresser à petits pas sur le long chemin de l’émancipation féminine. Un chemin semé d’embûches dans une société encore très patriarcale et traditionnelle, où la loi islamique continue de primer. Les débats autour de cette réforme s’annoncent donc intenses dans le royaume.
« Il faut saluer ces avancées tout en pointant leurs limites. Le combat pour l’égalité est encore loin d’être gagné. »
Une experte du droit de la famille
Une Révision Sous Le Signe du Compromis
Entre volonté de modernisation et poids des traditions, entre pression de la société civile et résistances conservatrices, la réforme du droit de la famille est un exercice d’équilibriste pour les autorités marocaines. Le pouvoir en place cherche à avancer sans brusquer, à faire évoluer les mentalités en douceur.
D’un côté, il y a la nécessité de répondre aux aspirations d’une société en pleine mutation, avec une jeunesse connectée et des femmes de plus en plus éduquées et actives. De l’autre, la crainte de heurter une frange conservatrice encore puissante, prompte à critiquer toute remise en cause de l’ordre traditionnel.
Dans ce contexte, le Code de la famille apparaît comme un symbole, un marqueur idéologique. Sa réforme est donc un sujet éminemment politique et sociétal. Chaque changement, même mineur, est âprement discuté et négocié. Le résultat est souvent un compromis, un petit pas plutôt qu’un grand bond en avant.
Quel Avenir pour les Droits des Femmes au Maroc ?
Au final, cette énième révision de la Moudawana illustre toute la complexité de la question des droits des femmes au Maroc. Si des progrès indéniables ont été réalisés ces dernières années, le chemin vers une véritable égalité semble encore long et sinueux.
Les associations féministes, elles, ne comptent pas baisser la garde. Elles promettent de continuer à se mobiliser pour faire entendre leur voix et peser sur le débat public. Leur mot d’ordre : ne rien lâcher et maintenir la pression jusqu’à obtenir gain de cause.
Car au-delà des textes de loi, c’est bien un combat culturel et sociétal qui se joue. Un combat pour changer les mentalités, déconstruire les stéréotypes et faire évoluer en profondeur le regard de la société marocaine sur les femmes. Un combat de longue haleine, qui nécessitera l’engagement de tous, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes.
Les propositions de réforme du Code de la famille sont donc à la fois un petit pas en avant et un rappel du chemin qu’il reste à parcourir. Elles suscitent espoirs et frustrations, encouragements et critiques. Mais elles ont le mérite de maintenir le sujet au cœur du débat et de tracer, lentement mais sûrement, la voie vers plus d’égalité.