Vendredi soir, la ville allemande de Magdebourg a été le théâtre d’un drame qui a choqué tout le pays. Une voiture a foncé sur la foule d’un marché de Noël bondé, faisant 5 morts et plus de 200 blessés. Très vite, la police a interpellé le conducteur du véhicule bélier. Et surprise : loin d’être un extrémiste islamiste comme le laissait penser le mode opératoire, l’auteur présumé de l’attaque est un médecin saoudien réfugié en Allemagne depuis 2006, athée revendiqué et farouchement opposé à l’islam.
Taleb Jawad al-Abdulmohsen, un profil déroutant
Âgé de 50 ans, Taleb Jawad al-Abdulmohsen est psychiatre de profession. Il exerce dans la petite ville de Bernburg, à proximité de Magdebourg. Originaire d’une famille chiite de l’est de l’Arabie Saoudite, il a fui son pays en 2006 et obtenu l’asile politique en Allemagne 10 ans plus tard.
Mais ce qui interpelle dans son parcours, c’est son rejet total et assumé de l’islam, la religion dans laquelle il a pourtant grandi. Sur les réseaux sociaux, Taleb Jawad al-Abdulmohsen se présente ouvertement comme « athée » et multiplie les prises de position virulentes contre l’islam, qu’il accuse d’être à l’origine de « tous les problèmes des musulmans ». Il se dit lui-même victime de menaces de mort dans son pays pour avoir renié sa foi.
Un engagement auprès des réfugiés saoudiens
Malgré ses positions tranchées, le suspect était connu au sein de la communauté saoudienne en Allemagne pour son aide apportée aux demandeurs d’asile, en particulier aux femmes fuyant le régime ultra-conservateur. Dans une interview accordée l’an dernier, il affirmait que « les jeunes Saoudiens, surtout les femmes, ne fuient pas seulement le régime mais aussi l’islam », une « éducation rigoureuse » qu’il jugeait néfaste.
L’éducation islamique rigoureuse est la cause de tous les problèmes des musulmans, en particulier des femmes.
Taleb Jawad al-Abdulmohsen en 2022
Un homme « psychologiquement perturbé »
Pour Taha al-Hajji, de l’Organisation euro-saoudienne des droits de l’homme basée à Berlin, l’auteur de l’attaque est « une personne psychologiquement perturbée et excessivement prétentieuse ». S’il était connu de la diaspora saoudienne, il en était aussi « banni » en raison de son caractère difficile, rapporte le militant.
D’après des sources proches de l’enquête, des écrits inquiétants auraient été retrouvés au domicile du suspect, laissant transparaître un sentiment de persécution et une grande frustration envers la justice allemande. En août dernier, il se demandait sur les réseaux sociaux s’il existait « une voie vers la justice en Allemagne sans faire exploser une ambassade ou égorger des citoyens allemands au hasard ».
Une attaque aux motivations encore floues
Si le mode opératoire et la date de l’attaque, survenue 8 ans jour pour jour après un attentat similaire sur un marché de Noël à Berlin, pouvaient laisser penser à un acte djihadiste, la piste d’un attentat islamiste a rapidement été écartée par les autorités. La ministre de l’Intérieur Nancy Faeser a qualifié le suspect d' »islamophobe ».
Mais alors, quelles sont les véritables motivations de Taleb Jawad al-Abdulmohsen ? Frustration personnelle, déséquilibre psychologique, haine de la société allemande ou volonté de nuire à l’image des réfugiés ? L’enquête devra déterminer les raisons qui ont poussé cet homme au parcours singulier à commettre l’irréparable. Un acte qui soulève en tout cas de nombreuses questions sur les failles dans le suivi des personnes psychologiquement fragiles et potentiellement dangereuses.
Une chose est sûre, cet attentat meurtrier, commis par un profil atypique, loin des schémas habituels, risque de marquer les esprits et de relancer le débat sur l’accueil et l’intégration des réfugiés en Allemagne. Près d’une semaine après le drame, Magdebourg reste sous le choc, endeuillée par cette attaque sanglante qui a frappé en plein cœur sa traditionnelle ambiance de Noël.