Dans la nuit de vendredi à samedi, un événement majeur s’est produit pour le secteur de l’énergie nucléaire en France. L’EPR de Flamanville, le réacteur nucléaire le plus puissant du pays et quatrième de ce type installé dans le monde, a été raccordé au réseau électrique. Cette étape cruciale marque l’aboutissement d’un chantier pharaonique qui a connu de nombreux déboires techniques et financiers.
Un lancement très attendu malgré les retards
Le raccordement de l’EPR de Flamanville au réseau électrique était initialement prévu il y a plus d’une décennie. Cependant, le chantier a accumulé pas moins de 12 ans de retard en raison de multiples difficultés techniques rencontrées. Ces déboires ont également fait exploser la facture, désormais estimée à 13,2 milliards d’euros par EDF, soit quatre fois le devis initial de 3,3 milliards.
Malgré ces retards et surcoûts, l’arrivée sur le réseau de ce réacteur de plus de 1.600 MW, le plus puissant du parc français, est un événement très attendu. Cela faisait un quart de siècle que la France, pays qui compte le plus de centrales nucléaires par habitant, n’avait pas fait démarrer un nouveau réacteur, le dernier étant le réacteur nucléaire 2 de Civaux en 1999.
Un raccordement progressif et des tests minutieux
Le raccordement de l’EPR de Flamanville au réseau ne se fera pas d’un coup. L’opération doit se faire à très basse charge, à un niveau d’environ 20% de sa puissance, ce qui permettra de vérifier que tout fonctionne correctement. Ensuite, entre 10 et 15 arrêts et redémarrages sont programmés pour tester minutieusement le réacteur.
Ce n’est qu’à l’été 2025, lors de son premier cycle d’activité industrielle de 18 mois, que le réacteur parviendra à 100% de sa puissance. À terme, il doit alimenter en électricité environ deux millions de foyers.
Un enjeu crucial pour l’indépendance énergétique française
L’EPR de Flamanville est un réacteur à eau pressurisée de nouvelle génération. Il s’agit du quatrième de ce type installé dans le monde, avec deux en Chine et un en Finlande, et un autre en construction au Royaume-Uni. Sa mise en service intervient alors que la consommation d’électricité en France est en retrait par rapport aux années d’avant Covid-19, de l’ordre de 6%.
Au-delà de l’exploit technologique, l’enjeu est crucial pour l’indépendance énergétique de la France. Le président Emmanuel Macron a d’ailleurs décidé de relancer le nucléaire civil dans le pays, en commandant six réacteurs EPR2 supplémentaires (et huit en option) à EDF. Toutefois, le cadre budgétaire de ce chantier pharaonique se fait attendre, d’autant plus qu’EDF, désormais détenu à 100% par l’État, est lourdement endetté.
Un savoir-faire français à reconquérir
La longue pause dans la construction de nouveaux réacteurs en France est pointée du doigt par les experts. Selon eux, cela a engendré une perte de compétences dans la filière, expliquant en partie les déboires rencontrés sur le chantier de l’EPR de Flamanville.
La filière nucléaire française doit impérativement reconquérir son savoir-faire et son excellence pour mener à bien les futurs projets de réacteurs EPR2.
– Un expert du secteur de l’énergie
Le raccordement de l’EPR de Flamanville au réseau électrique marque donc une étape clé pour l’avenir du nucléaire en France. Reste à savoir si la filière saura tirer les leçons de ce chantier pour mener à bien les futurs projets de réacteurs EPR2, essentiels à l’indépendance énergétique du pays.
Un défi technologique, économique et environnemental
Au-delà des enjeux techniques et économiques, le nucléaire soulève également des questions environnementales. Si ses défenseurs mettent en avant sa faible émission de CO2 par rapport aux énergies fossiles, ses détracteurs pointent du doigt les risques d’accidents et la problématique des déchets radioactifs.
Face à ces défis, la France a fait le choix de maintenir une part importante du nucléaire dans son mix énergétique, tout en développant les énergies renouvelables. Un pari ambitieux qui nécessitera des investissements colossaux et une excellente maîtrise technologique.
L’EPR de Flamanville, un symbole de la résilience du nucléaire français
Malgré les retards et les surcoûts, le raccordement de l’EPR de Flamanville au réseau électrique est un symbole fort de la résilience du nucléaire français. Il témoigne de la volonté du pays de maintenir son indépendance énergétique et son expertise dans ce domaine hautement stratégique.
Cependant, pour que cette résilience se confirme sur le long terme, il sera crucial de tirer les leçons des difficultés rencontrées sur ce chantier. La filière nucléaire française devra impérativement regagner en compétitivité et en efficacité pour mener à bien les futurs projets de réacteurs EPR2.
C’est à ce prix que la France pourra continuer à faire du nucléaire un atout majeur de son mix énergétique, tout en relevant les défis de la transition écologique. Le raccordement de l’EPR de Flamanville au réseau électrique n’est donc pas une fin en soi, mais bien le début d’un nouveau chapitre pour l’énergie nucléaire française.