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Présomption De Démission : Le Conseil D’État Rejette Le Recours

Le Conseil d'État a rejeté le recours de syndicats contre la présomption de démission en cas d'abandon de poste. Quelles conséquences pour les salariés qui ne reprennent pas le travail après une mise en demeure ?

Le Conseil d’État vient de rendre une décision lourde de conséquences pour les salariés du privé. Dans un arrêt rendu ce mercredi, la plus haute juridiction administrative a rejeté le recours déposé par plusieurs organisations syndicales contre le décret du 17 avril 2023 instaurant une présomption de démission en cas d’abandon de poste.

Une mesure controversée de la loi travail

Cette mesure, qui fait suite à la loi du 21 décembre 2022, prévoit qu’un salarié qui abandonne son poste de travail sans justification et ne le reprend pas dans les quinze jours suivant une mise en demeure de son employeur, est considéré comme démissionnaire. Il perd alors son droit aux allocations chômage.

Introduite par un amendement de la majorité et du groupe LR à l’Assemblée nationale, cette disposition visait à lutter contre les abandons de poste, qui représentaient 71% des licenciements pour faute grave ou lourde selon une étude de la Dares. Mais elle avait suscité une vive opposition des syndicats, la CGT dénonçant une mesure « complètement déconnectée de la réalité du travail ».

Le Conseil d’État valide le dispositif

Saisi en référé par plusieurs organisations, dont la CGT, pour suspendre le décret d’application, le Conseil d’État a finalement rejeté leur demande. Il estime que le texte « se borne à fixer les modalités d’application de la loi » et ne constitue donc pas « un projet de réforme qui aurait dû être soumis à une concertation préalable ».

Les juges considèrent également que la convention internationale du travail invoquée par les syndicats « ne couvre que la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur et non les situations de démission volontaire ». Or, relèvent-ils, en cas d’abandon de poste, c’est bien le salarié qui, « par son absence persistante sans justification », est à l’initiative de la rupture.

Une mise en demeure obligatoire

Le Conseil d’État apporte toutefois une précision importante. Pour que la présomption de démission soit valable, l’employeur doit avoir mis en demeure le salarié par lettre recommandée ou remise en main propre. Cette mise en demeure doit permettre de s’assurer du caractère volontaire de l’abandon de poste et donner au salarié un délai de quinze jours pour justifier son absence ou reprendre le travail.

Surtout, même si le décret ne le mentionne pas explicitement, l’employeur est tenu d’informer le salarié, dans cette mise en demeure, des conséquences auxquelles il s’expose en abandonnant son poste. Une obligation que le Conseil d’État avait déjà posée pour la fonction publique.

Des motifs légitimes d’absence

Par ailleurs, la juridiction administrative rappelle qu’il existe des motifs légitimes pouvant justifier un abandon de poste :

  • Des raisons médicales
  • L’exercice du droit de retrait en cas de danger grave et imminent
  • L’exercice du droit de grève
  • Le refus d’exécuter une instruction contraire à la réglementation

Dans ces situations, souligne le Conseil d’État, « la présomption de démission ne peut pas jouer ».

Les implications pour les salariés

Cette décision clarifie donc les conditions d’application du nouveau dispositif sur l’abandon de poste. Si le salarié doit être dûment informé des risques encourus, la présomption de démission pourra s’appliquer dès lors que son absence reste injustifiée après une mise en demeure en bonne et due forme.

Les salariés qui seraient tentés de quitter leur poste sans démissionner formellement devront donc être particulièrement vigilants. À défaut de motif légitime, ils s’exposeront à une perte pure et simple de leur emploi, sans possibilité de bénéficier de l’assurance chômage.

Un nouveau rapport de force qui pourrait bien modifier en profondeur les relations de travail et la gestion des conflits dans les entreprises. Entre renforcement de l’autorité patronale et risque de précarisation accrue des salariés, les partenaires sociaux devront trouver de nouveaux équilibres pour préserver la paix sociale. Un défi de taille dans un contexte économique et social déjà sous haute tension.

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