Dans un rebondissement surprenant, un tribunal bangladais a acquitté mercredi un ancien ministre et cinq autres personnes dans une affaire de trafic d’armes au profit de rebelles indiens. Selon l’avocat de l’ex-ministre, les accusations auraient été fabriquées par le précédent gouvernement, désormais renversé.
Cette décision intervient dans un contexte de tensions entre le Bangladesh et l’Inde, puissance régionale, suite à une révolution à Dacca en août qui a renversé Sheikh Hasina, une alliée de New Delhi. Lutfuzzaman Babar, âgé d’une soixantaine d’années et ancien ministre de l’Intérieur, faisait partie des acquittés.
Une affaire remontant à 2004
L’affaire en question remonte à 2004, lorsque la police bangladaise avait saisi 10 camions chargés d’armes, dont des roquettes et des grenades. Selon les forces de sécurité, ces armes étaient destinées aux rebelles séparatistes indiens du Front uni de libération de l’Assam (ULFA).
Des accusations politiques ?
L’avocat de Lutfuzzaman Babar, Shishir Monir, a affirmé que son client avait été faussement impliqué dans ce complot de trafic d’armes en raison de son appartenance au Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), principal rival de Sheikh Hasina. Il a souligné l’absence de « preuve crédible » produite par l’accusation.
Un commandant rebelle condamné par contumace
Le tribunal a également commué en prison à perpétuité la condamnation à mort par contumace du commandant rebelle indien en fuite, Paresh Baruah. Bien que l’ULFA ait signé un accord de paix avec l’Inde en 2023, Paresh Baruah reste une figure de proue d’une faction dissidente. Les autorités ignorent actuellement où il se trouve.
Acquittements et exécutions
Parmi les cinq autres personnes acquittées figuraient d’anciens hauts responsables des services de renseignement, ainsi que feu Motiur Rahman Nizami, un ancien ministre de l’Industrie qui a été exécuté en prison. À l’époque de l’affaire de trafic d’armes, le BNP, parti de Lutfuzzaman Babar, était au pouvoir.
L’ombre de l’insurrection en Assam
L’Inde avait longtemps accusé le Bangladesh d’héberger des groupes rebelles séparatistes, mais après l’arrivée au pouvoir de Sheikh Hasina en 2009, elle avait mis fin à leur présence. Au plus fort de l’insurrection en Assam, durant les années 1980 et 1990, environ 10 000 personnes, dont de nombreux civils, ont été tuées. Aujourd’hui, l’Assam est sous le contrôle de la police indienne et les principales forces de l’ULFA ont accepté de se dissoudre et de rejoindre le processus démocratique pacifique.
Sheikh Hasina en exil en Inde
L’Inde était un soutien clé de Sheikh Hasina, l’ancienne Première ministre de 77 ans qui a fui le Bangladesh en hélicoptère le 5 août vers New Delhi. Pour l’heure, elle se trouve toujours en Inde, suscitant la colère de nombreux Bangladais déterminés à la voir jugée pour des « assassinats de masse » présumés.
Ce procès et son dénouement inattendu mettent en lumière les jeux politiques complexes et les relations tendues entre le Bangladesh et l’Inde. Alors que la justice bangladaise semble prendre un nouveau tournant, l’avenir politique du pays et ses liens avec son puissant voisin restent incertains.