L’espoir d’une évolution pacifique en Syrie vient peut-être de s’allumer. Selon des sources proches du dossier, une délégation de diplomates allemands a mené mardi d’intenses discussions à Damas avec Ahmad al-Chareh, le nouvel homme fort du pays qui dirigeait jusqu’à récemment le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) sous le nom d’Abou Mohammad al-Jolani. Un premier contact direct entre une chancellerie occidentale et le nouveau pouvoir en place depuis la prise de la capitale syrienne en décembre dernier.
Outre M. al-Chareh lui-même, les émissaires de Berlin ont aussi échangé avec plusieurs hauts responsables du HTS et du gouvernement de transition, dont le ministre de l’Éducation. Au cœur des entretiens : le processus de transition politique du pays et les attentes allemandes en termes de protection des minorités ethniques et religieuses et de respect des droits des femmes. Des garanties jugées indispensables par l’Allemagne pour accompagner une normalisation de la situation.
Une Reprise Prudente Des Contacts Diplomatiques
Jusqu’ici, les capitales occidentales observaient une grande prudence vis-à-vis du HTS, mouvement issu d’Al-Qaïda et considéré comme « terroriste ». Mais depuis la chute du régime de Bachar al-Assad, elles multiplient les initiatives pour établir un dialogue avec les nouvelles autorités de facto. Après l’Allemagne, l’Union Européenne a annoncé dépêcher un représentant à Damas, tandis que le Royaume-Uni y a aussi envoyé une délégation.
Berlin, qui se coordonne étroitement avec ses partenaires du « Quad » (États-Unis, France, Royaume-Uni), de l’UE et du monde arabe, juge que le HTS doit maintenant « être jugé sur ses actes ». Selon une porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, le groupe islamiste a jusqu’ici « agi avec prudence » dans sa prise de pouvoir. Mais toute coopération reste conditionnée à des avancées tangibles :
« Cela suppose que les minorités ethniques et religieuses soient protégées et que les droits des femmes soient respectés. »
Une porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères
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Signes de cet attentisme prudent, la délégation allemande a aussi profité de sa visite pour rencontrer des représentants de la société civile syrienne et des différentes communautés religieuses du pays. Elle a également procédé à une première inspection des locaux de son ambassade à Damas, fermée depuis janvier 2012 quelques mois après le début de la guerre civile.
Alors que certains en Europe, à l’instar de la Première ministre italienne Giorgia Meloni, se disent déjà prêts à dialoguer avec le nouveau pouvoir à Damas, l’Allemagne semble donc vouloir garder un équilibre délicat. Tendre la main au HTS pour favoriser un apaisement, tout en maintenant une pression pour des réformes démocratiques. Une transition en douceur, sur laquelle veillent de près des diplomates rodés à l’exercice.
La Société Civile Syrienne En Première Ligne
Au-delà des officiels du régime, ce sont en effet les acteurs non-étatiques syriens qui seront les interlocuteurs privilégiés des Occidentaux dans les mois à venir. Associations de femmes, ONG humanitaires, groupes représentant les minorités ethniques et religieuses, communautés chrétiennes… Ces entités de la société civile joueront un rôle central pour porter les aspirations démocratiques de la population et faire remonter ses besoins urgents.
Durement éprouvés par plus de dix ans de guerre et un régime autoritaire, ces acteurs devront cependant bénéficier d’un soutien international conséquent pour peser dans la balance. Et convaincre les nouveaux maîtres de Damas que la stabilité du pays passera par des réformes profondes, aussi bien politiques, économiques que sociales. Un immense défi, auquel la diplomatie allemande et européenne entend maintenant s’atteler, avec méthode et détermination. La paix et l’avenir de la Syrie sont à ce prix.