Un rapport accablant de l’ONG Human Rights Watch (HRW) met en lumière les graves abus subis par les travailleurs migrants sur les chantiers phares de l’Arabie saoudite, y compris ceux liés à la candidature du royaume à l’organisation de la Coupe du Monde de football 2034. Malgré des réformes du droit du travail introduites en 2021, l’exploitation des ouvriers étrangers semble perdurer à grande échelle.
Des conditions de travail proches du travail forcé
Le rapport de 79 pages de HRW, intitulé « Die First, and I’ll Pay You Later », détaille des conditions de travail s’apparentant parfois à du travail forcé, en particulier sur les chantiers pharaoniques du plan Vision 2030, l’ambitieux projet de réforme porté par le prince héritier Mohammed ben Salmane. Parmi les abus documentés lors de 155 entretiens menés par l’ONG figurent :
- Des frais de recrutement exorbitants imposés aux candidats
- Des salaires impayés
- Une exposition à une chaleur extrême
- Des restrictions sur la mobilité professionnelle
Selon une source proche du dossier, la pression pour respecter des délais irréalistes accentue les risques pour les ouvriers. « Chaque jour, un ou deux travailleurs s’évanouissent », confie un employé du projet Neom, une mégalopole futuriste en construction dans le désert.
Des décès suspects et des familles laissées sans soutien
HRW rapporte qu’entre janvier et juillet 2024, pas moins de 884 travailleurs bangladais sont décédés en Arabie saoudite, dont 80% de « causes naturelles » non recherchées. Ces morts inexpliquées laissent souvent les familles endeuillées sans compensation ni assistance financière.
Il n’avait aucun problème de santé, on ne croit pas qu’il soit mort de causes naturelles comme indiqué sur le certificat de décès.
La veuve d’un plombier indien décédé
Des réformes insuffisantes et une dépendance maintenue
Comme d’autres pays du Golfe, l’Arabie saoudite compte des millions de travailleurs originaires d’Inde, du Pakistan ou des Philippines, qui occupent des emplois subalternes faiblement rémunérés, largement boudés par les Saoudiens. Malgré des réformes du droit du travail en 2021, ces ouvriers affirment dépendre toujours de leurs employeurs pour changer d’emploi ou quitter le pays, un système qualifié d’exploitation par HRW.
Un Mondial 2034 au détriment des droits humains ?
Pour Human Rights Watch, si la Fifa attribue l’organisation de la Coupe du Monde 2034 à l’Arabie saoudite, seule candidate en lice, elle aura choisi d’ignorer ces graves abus. Selon l’ONG, la construction des infrastructures nécessaires, dont une dizaine de stades et des centaines de milliers de chambres d’hôtel, risque d’aggraver les violations déjà documentées.
La Fifa ferme les yeux.
Michael Page, directeur adjoint de HRW pour le Moyen-Orient
Dans son rapport d’évaluation publié récemment, la Fifa juge la candidature saoudienne « solide », tout en soulignant que les engagements de l’Arabie saoudite en matière de droits humains nécessiteront « un effort significatif en temps et en énergie » avant le Mondial. Reste à voir si ces promesses seront tenues et si les conditions de travail des ouvriers migrants s’amélioreront réellement sur le terrain.