Depuis plusieurs jours, les rues de Tbilissi, capitale de la Géorgie, sont le théâtre de manifestations pro-européennes d’une ampleur sans précédent. Des milliers de citoyens ont exprimé leur colère suite à la décision du gouvernement de geler le processus d’adhésion du pays à l’Union européenne. Pourtant, dans un revirement inattendu, le Premier ministre géorgien Irakli Khobadidzé a assuré ce lundi que son gouvernement ferait le « maximum d’efforts » pour intégrer l’UE.
Un gouvernement sous pression
La décision initiale du pouvoir, issu du parti Rêve géorgien accusé de dérive autoritaire et pro-russe, avait suscité l’indignation dans ce pays du Caucase qui aspire à se rapprocher de l’Europe. Les manifestants, agitant des drapeaux géorgiens et européens, ont réclamé la démission du gouvernement et la poursuite du processus d’intégration européenne.
Face à cette pression populaire, les propos du Premier ministre Khobadidzé apparaissent comme un changement de cap radical. Lors d’une conférence de presse, il a affirmé que la Géorgie poursuivrait ses efforts pour rejoindre l’UE, tout en accusant les manifestations d’être « financées depuis l’étranger ».
Des accusations de financement étranger
Selon le chef du gouvernement, issu du parti Rêve géorgien, les protestations seraient alimentées par des fonds provenant de l’extérieur du pays, sans toutefois apporter de preuves tangibles. Il a mis en garde contre toute tentative de « révolution », affirmant que celle-ci n’aurait pas lieu en Géorgie.
Ces efforts sont financés depuis l’étranger, et le financement n’est pas transparent.
Irakli Khobadidzé, Premier ministre géorgien
L’opposition maintient la pression
Malgré ce revirement du gouvernement, l’opposition pro-européenne ne compte pas relâcher la pression. Pour la cinquième soirée consécutive, des milliers de personnes se sont rassemblées devant le parlement à Tbilissi, encadrées par un important dispositif policier.
Les manifestants réclament des actions concrètes pour ancrer la Géorgie dans le camp occidental et contrer l’influence de Moscou. Ils dénoncent la mainmise du fondateur du parti au pouvoir, le milliardaire Bidzina Ivanichvili, sur les institutions du pays.
Un revirement stratégique ?
Pour de nombreux observateurs, la promesse du Premier ministre de poursuivre le rapprochement avec l’UE semble davantage motivée par la volonté de calmer la contestation que par une réelle conviction pro-européenne. Le parti Rêve géorgien est régulièrement accusé de connivence avec la Russie et de freiner les réformes démocratiques.
La société civile géorgienne reste mobilisée pour s’assurer que les paroles du gouvernement seront suivies d’actes concrets. Elle réclame des garanties sur la tenue d’élections libres, l’indépendance de la justice et la liberté des médias, conditions indispensables à un véritable rapprochement avec l’Europe.
La Géorgie appartient à l’Europe. Nous ne laisserons pas le gouvernement brader notre avenir !
Un manifestant à Tbilissi
L’UE prudente mais encourageante
Du côté des institutions européennes, les développements en Géorgie sont suivis avec attention. Si les manifestations pro-UE sont saluées, Bruxelles reste prudente face aux promesses du gouvernement géorgien.
Dans une déclaration, le porte-parole de la Commission européenne a rappelé que la Géorgie devait « intensifier ses efforts » et mettre en œuvre les réformes nécessaires pour se rapprocher des standards européens. Il a également souligné l’importance du dialogue et appelé toutes les forces politiques à agir de manière responsable.
Un avenir européen en jeu
Pour la Géorgie, petit pays coincé entre la Russie et la Turquie, l’enjeu est de taille. Après des années d’efforts pour se défaire de l’emprise de Moscou suite à la guerre de 2008, une large part de la population aspire à ancrer définitivement le pays dans la sphère d’influence occidentale.
Mais le chemin vers l’intégration européenne reste semé d’embûches, entre réticences du pouvoir, pressions russes et exigences de réformes de la part de l’UE. Les prochains mois seront décisifs pour savoir si la Géorgie parviendra à surmonter ces obstacles et à réaliser son rêve européen, ou si elle restera en suspens entre Est et Ouest.
Les manifestations de ces derniers jours auront en tout cas marqué un tournant, en démontrant l’attachement d’une large part de la société géorgienne aux valeurs européennes. Reste à voir si cet élan populaire sera suffisant pour infléchir durablement la trajectoire du pays.