Alors que la France commémore chaque 1er décembre la Journée mondiale de lutte contre le sida, la récente révélation de la séropositivité d’un accusé lors du procès des viols de Mazan a remis sur le devant de la scène la question épineuse de la transmission du VIH. Mais que dit réellement la loi française à ce sujet ? Quand des poursuites pénales sont-elles possibles ? Décryptage de ce cadre juridique complexe et sensible.
La Loi Ne Punit Pas l’Exposition, Seulement la Transmission Volontaire
Première chose à savoir : en France, exposer quelqu’un au risque d’une contamination par le VIH n’est pas un délit en soi. Ce qui est punissable, c’est uniquement la transmission effective et volontaire du virus par une personne ayant connaissance de sa séropositivité. Cette nuance est cruciale car elle signifie qu’avoir des rapports non protégés en se sachant porteur du VIH, même si c’est moralement répréhensible, ne tombe pas sous le coup de la loi tant qu’il n’y a pas eu contamination avérée du ou de la partenaire.
Des Poursuites Possibles pour « Administration de Substances Nuisibles »
Lorsqu’il y a transmission volontaire, le chef d’accusation généralement retenu est celui « d’administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui ». Cela peut être puni de peines allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Si la contamination a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, la peine maximale monte à 10 ans de réclusion criminelle.
La preuve de l’intention de transmettre est souvent très difficile à apporter devant un tribunal. Cela explique en partie que les condamnations soient assez rares, moins d’une dizaine par an en moyenne.
Maître Caroline Mécary, avocate spécialiste du droit de la santé
Le Cas Spécifique des Rapports Non Protégés en Début de Relation
Un autre obstacle à d’éventuelles poursuites est la difficulté à démontrer qu’une contamination a eu lieu dans un contexte précis, surtout en début de relation. En effet, si deux personnes ont des rapports non protégés et que l’une d’elles découvre ensuite sa séropositivité, il est très compliqué de prouver que le virus a été transmis par l’autre partenaire et non contracté lors d’une précédente relation.
Une Jurisprudence Encore Limitée
Du fait de ces difficultés à caractériser l’intentionnalité et la temporalité exacte d’une contamination, la jurisprudence sur le sujet demeure assez limitée. On peut néanmoins citer quelques affaires emblématiques :
- En 2005, un homme a été condamné à 6 ans de prison pour avoir sciemment contaminé deux de ses compagnes. C’était la première fois qu’une telle peine était prononcée en France.
- En 2018, une femme a écopé de 2 ans de prison avec sursis pour avoir transmis volontairement le VIH à son amant.
- Plus récemment en 2022, un homme a été condamné à 4 ans dont 2 avec sursis pour avoir caché sa séropositivité à sa compagne et l’avoir contaminée.
Ces quelques exemples illustrent la ligne suivie par la justice : seul un mensonge avéré sur son statut sérologique, ayant entraîné une contamination effective, est susceptible d’être sanctionné pénalement. Une simple dissimulation ou une exposition sans transmission ne suffit pas.
Une Approche Différente d’Autres Pays
Cette approche tranche avec celle adoptée dans certains autres pays, notamment anglo-saxons, où la non-révélation de sa séropositivité à un partenaire sexuel est en soi passible de poursuites, même sans contamination. C’est le cas par exemple dans 33 États américains qui ont adopté des lois spécifiques en ce sens. Au Canada également, ne pas divulguer son statut sérologique avant un rapport est considéré comme une agression sexuelle.
Un Équilibre Délicat Entre Santé Publique et Libertés Individuelles
Pour les autorités sanitaires françaises comme pour les associations de lutte contre le VIH, la pénalisation de la transmission pose plusieurs problèmes. D’abord, elle ferait porter la responsabilité de la prévention sur les seules personnes séropositives, alors que c’est l’affaire de tous. Ensuite, la peur des poursuites pourrait dissuader certains de se faire dépister et de se soigner, ce qui aurait un effet contre-productif en termes de santé publique.
La stigmatisation et la criminalisation des personnes vivant avec le VIH sont des obstacles majeurs dans la lutte contre l’épidémie. Elles renforcent le tabou et la honte qui entourent encore trop souvent la maladie.
Florence Thune, directrice générale de Sidaction
D’où la position du législateur français, qui a choisi de circonscrire étroitement les cas où la justice peut intervenir. L’équilibre est fragile entre la nécessaire protection des victimes, le respect de la vie privée des personnes séropositives et l’impératif de ne pas entraver les politiques de prévention et de dépistage.
Une Loi Amenée à Évoluer avec les Progrès Médicaux ?
La donne pourrait toutefois changer avec les immenses progrès réalisés ces dernières années dans la prise en charge de l’infection à VIH. Grâce aux traitements antirétroviraux, une personne séropositive dont la charge virale est devenue indétectable ne transmet plus le virus, comme l’a confirmé en 2018 l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS).
Cette nouvelle donne médicale devra sans doute être prise en compte à l’avenir dans l’appréciation des affaires de transmission. Certains spécialistes plaident d’ailleurs pour une évolution de la loi afin qu’elle intègre explicitement ce paramètre de la charge virale. En attendant, charge aux juges de continuer à examiner au cas par cas ces dossiers sensibles et complexes. Comme le montre l’affaire de Mazan, la question de la pénalisation de la transmission du VIH est loin d’être tranchée.
Un autre obstacle à d’éventuelles poursuites est la difficulté à démontrer qu’une contamination a eu lieu dans un contexte précis, surtout en début de relation. En effet, si deux personnes ont des rapports non protégés et que l’une d’elles découvre ensuite sa séropositivité, il est très compliqué de prouver que le virus a été transmis par l’autre partenaire et non contracté lors d’une précédente relation.
Une Jurisprudence Encore Limitée
Du fait de ces difficultés à caractériser l’intentionnalité et la temporalité exacte d’une contamination, la jurisprudence sur le sujet demeure assez limitée. On peut néanmoins citer quelques affaires emblématiques :
- En 2005, un homme a été condamné à 6 ans de prison pour avoir sciemment contaminé deux de ses compagnes. C’était la première fois qu’une telle peine était prononcée en France.
- En 2018, une femme a écopé de 2 ans de prison avec sursis pour avoir transmis volontairement le VIH à son amant.
- Plus récemment en 2022, un homme a été condamné à 4 ans dont 2 avec sursis pour avoir caché sa séropositivité à sa compagne et l’avoir contaminée.
Ces quelques exemples illustrent la ligne suivie par la justice : seul un mensonge avéré sur son statut sérologique, ayant entraîné une contamination effective, est susceptible d’être sanctionné pénalement. Une simple dissimulation ou une exposition sans transmission ne suffit pas.
Une Approche Différente d’Autres Pays
Cette approche tranche avec celle adoptée dans certains autres pays, notamment anglo-saxons, où la non-révélation de sa séropositivité à un partenaire sexuel est en soi passible de poursuites, même sans contamination. C’est le cas par exemple dans 33 États américains qui ont adopté des lois spécifiques en ce sens. Au Canada également, ne pas divulguer son statut sérologique avant un rapport est considéré comme une agression sexuelle.
Un Équilibre Délicat Entre Santé Publique et Libertés Individuelles
Pour les autorités sanitaires françaises comme pour les associations de lutte contre le VIH, la pénalisation de la transmission pose plusieurs problèmes. D’abord, elle ferait porter la responsabilité de la prévention sur les seules personnes séropositives, alors que c’est l’affaire de tous. Ensuite, la peur des poursuites pourrait dissuader certains de se faire dépister et de se soigner, ce qui aurait un effet contre-productif en termes de santé publique.
La stigmatisation et la criminalisation des personnes vivant avec le VIH sont des obstacles majeurs dans la lutte contre l’épidémie. Elles renforcent le tabou et la honte qui entourent encore trop souvent la maladie.
Florence Thune, directrice générale de Sidaction
D’où la position du législateur français, qui a choisi de circonscrire étroitement les cas où la justice peut intervenir. L’équilibre est fragile entre la nécessaire protection des victimes, le respect de la vie privée des personnes séropositives et l’impératif de ne pas entraver les politiques de prévention et de dépistage.
Une Loi Amenée à Évoluer avec les Progrès Médicaux ?
La donne pourrait toutefois changer avec les immenses progrès réalisés ces dernières années dans la prise en charge de l’infection à VIH. Grâce aux traitements antirétroviraux, une personne séropositive dont la charge virale est devenue indétectable ne transmet plus le virus, comme l’a confirmé en 2018 l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS).
Cette nouvelle donne médicale devra sans doute être prise en compte à l’avenir dans l’appréciation des affaires de transmission. Certains spécialistes plaident d’ailleurs pour une évolution de la loi afin qu’elle intègre explicitement ce paramètre de la charge virale. En attendant, charge aux juges de continuer à examiner au cas par cas ces dossiers sensibles et complexes. Comme le montre l’affaire de Mazan, la question de la pénalisation de la transmission du VIH est loin d’être tranchée.