Un mois après les inondations dévastatrices qui ont frappé l’Espagne fin octobre, faisant 230 morts dont 222 dans la seule région de Valence, la colère de la population ne retombe pas. Ce samedi, près de 100 000 personnes sont à nouveau descendues dans les rues de la troisième ville du pays pour dénoncer l’incompétence et la négligence des autorités régionales dans la gestion de cette catastrophe.
Des manifestants remontés contre l’exécutif régional
Derrière une immense pancarte réclamant la démission de Carlos Mazón, le président conservateur de la région de Valence, la foule en colère a défilé aux cris de « Ils ne sont pas morts, ils ont été assassinés » et « Ta négligence est notre malheur ». Beaucoup reprochent au gouvernement régional de ne pas avoir suffisamment prévenu la population du danger des pluies diluviennes et d’avoir tardé à déployer les secours.
Qu’est-ce qui n’a pas marché ? L’incompétence. C’est pour ça que nous sommes ici, car il y a beaucoup d’incompétents qui continuent à être payés.
Raquel Ferrandis, professeure de 55 ans originaire de Paiporta, épicentre de la catastrophe
Selon une source proche du dossier, l’alerte à la population n’a été envoyée par les autorités valenciennes qu’à 20h11 le soir du drame, plus de 12 heures après le lancement de l’alerte rouge par l’agence météorologique nationale, alors que les crues inondaient déjà de nombreuses zones. Un retard fatal qui aurait pu être évité selon de nombreux manifestants.
Le lourd bilan d’une catastrophe « annoncée »
Les pluies torrentielles du 29 octobre ont été d’une violence exceptionnelle, provoquant des crues soudaines et destructrices. En plus des 230 morts, on dénombre encore 4 disparus et des dégâts matériels se chiffrant en millions d’euros. Un bilan très lourd que beaucoup jugent inacceptable.
Si les gens avaient été prévenus à temps, avec les moyens qu’ils ont, ça ne serait pas arrivé. Le reste, ce ne sont que des excuses.
Juan Carlos Ribes, fonctionnaire vivant à 50 km au sud de Valence
Une aide insuffisante aux sinistrés selon les manifestants
Au-delà de l’incompétence dans la gestion de la crise, les manifestants dénoncent également le manque de soutien aux nombreux sinistrés qui peinent à se relever un mois après le drame. Beaucoup ont tout perdu et se sentent abandonnés par les pouvoirs publics.
Je suis totalement indignée. Les gens qui ont tout perdu, voyez comment ils vivent. Les gens qui ont perdu leur entreprise, voyez comment ils vivent. L’aide n’arrive pas.
Maribel Peralta, enseignante de 62 ans de Valence
Selon nos informations, le montant des aides débloquées resterait très insuffisant au regard de l’ampleur des dégâts. Et leur versement serait beaucoup trop lent pour répondre à l’urgence de la situation. Un constat accablant aux yeux des manifestants qui promettent de continuer à se mobiliser.
La décentralisation en question
Au-delà du cas valencien, ces inondations meurtrières posent la question de l’efficacité du système très décentralisé en Espagne en matière de gestion des catastrophes naturelles. Alors que cette compétence relève des régions, beaucoup s’interrogent sur la capacité réelle de ces dernières à faire face à des événements d’une telle ampleur.
Si le gouvernement central peut théoriquement leur fournir des moyens et assumer l’urgence dans les cas extrêmes, dans les faits son intervention semble avoir été très limitée et tardive lors de ces inondations, laissant les autorités locales débordées. Un manque de coordination et de réactivité qui a sans doute coûté de nombreuses vies.
Face à ce constat, certains réclament une réforme du système actuel pour renforcer les moyens et les prérogatives de l’Etat central en cas de crise majeure. D’autres au contraire prônent un accroissement des pouvoirs et des ressources des régions, avec un meilleur contrôle démocratique. Le débat promet d’être vif tant le traumatisme est profond, notamment à Valence.
La région de Valence meurtrie et en colère
Un mois après ce drame, la région de Valence reste profondément meurtrie. Avec 222 morts sur les 230 recensés dans le pays, elle a payé un très lourd tribut à ces inondations dévastatrices. Au-delà des pertes humaines, c’est tout le tissu économique et social qui a été durement touché et peine à se relever.
La catastrophe a été immense, ça va être très difficile de s’en remettre.
Jordi Cervera, technicien de 62 ans d’un village au nord de Valence
Mais au-delà de la douleur, c’est surtout un sentiment de colère qui prédomine, comme l’a montré l’ampleur de la mobilisation ce samedi. Pour beaucoup, ces pertes et ces souffrances auraient pu être évitées ou au moins limitées si les autorités régionales avaient pris la mesure de la menace et agi avec anticipation et efficacité.
Au fil des semaines, le mouvement ne faiblit pas et semble même s’amplifier, avec des manifestations de plus en plus massives réclamant la démission des responsables jugés coupables de cette catastrophe « annoncée ». Un climat social très tendu qui met la pression sur l’exécutif valencien à quelques mois d’échéances électorales cruciales.
Au-delà de la bataille politique, l’heure est surtout à la solidarité envers les nombreuses victimes et à la reconstruction des zones sinistrées. Un défi immense qui nécessitera la mobilisation de tous les acteurs locaux et nationaux dans la durée. Valence, blessée mais combative, entend bien se relever de ce drame. Mais elle exige pour cela vérité, justice et un soutien à la hauteur.