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Discussions russo-turco-iraniennes face à l’escalade en Syrie

La Russie, la Turquie et l'Iran ont exprimé leurs vives inquiétudes quant à l'évolution "dangereuse" de la situation en Syrie lors d'appels séparés ce samedi, au lendemain de la prise d'Alep par les jihadistes. Une coordination des efforts pour stabiliser le pays est jugée nécessaire. Quel impact sur le conflit qui déchire la Syrie depuis 2011 ?

Alors que le conflit syrien connaît une nouvelle escalade ces derniers jours avec l’offensive jihadiste sur Alep, les principaux acteurs régionaux impliqués directement ou indirectement dans cette guerre dévastatrice ont multiplié les échanges diplomatiques ce week-end. Selon des sources officielles, la Russie a ainsi eu des discussions séparées avec la Turquie et l’Iran afin d’évoquer cette situation jugée « dangereuse » en Syrie.

Vives inquiétudes exprimées par Moscou, Ankara et Téhéran

Lors d’un entretien téléphonique entre les chefs de la diplomatie russe et turque, Sergueï Lavrov et Hakan Fidan, « les deux parties ont exprimé leur vive inquiétude face à l’évolution dangereuse de la situation en Syrie, liée à l’escalade militaire dans les provinces d’Alep et d’Idleb », a rapporté le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué. La nécessité de « coordonner une action commune pour stabiliser la situation » a été soulignée.

De son côté, au cours d’un appel avec son homologue iranien Abbas Araghchi, Sergueï Lavrov a fait part de son « extrême préoccupation » au sujet de « l’offensive terroriste des groupes armés » dans ces mêmes régions du nord de la Syrie. Les deux ministres sont convenus « d’intensifier les efforts conjoints visant à stabiliser la situation », selon Moscou.

La Russie et l’Iran, alliés clés du régime syrien

La Russie et l’Iran comptent parmi les principaux soutiens du régime de Bachar al-Assad depuis le début de la guerre civile syrienne en 2011. Leur appui militaire, logistique et diplomatique s’est avéré crucial pour permettre au pouvoir de Damas de reprendre progressivement le contrôle de larges pans du territoire national ces dernières années.

Moscou est notamment intervenu directement dans le conflit à partir de septembre 2015, son aviation menant des frappes aériennes massives contre les groupes rebelles et jihadistes combattant les forces loyalistes. Quant à Téhéran, il a dépêché sur le terrain des milliers de combattants, membres des Gardiens de la révolution ou de milices chiites étrangères, afin d’épauler l’armée syrienne.

La Turquie, un acteur influent côté rebelle

De son côté, si la Turquie a un temps soutenu l’opposition à Bachar al-Assad, elle a opéré un rapprochement remarqué avec la Russie à partir de 2016. Ankara a ainsi pu mener plusieurs offensives dans le nord de la Syrie contre les forces kurdes, qu’elle considère comme terroristes, tout en coopérant avec Moscou dans certains dossiers.

La Turquie conserve néanmoins une influence importante sur plusieurs factions rebelles syriennes, dont certaines ont participé à l’offensive sur Alep aux côtés des jihadistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS). Ce groupe, dominé par l’ex-branche d’Al-Qaïda, contrôle de vastes territoires dans la province d’Idleb, frontalière de la Turquie.

Prise de la majeure partie d’Alep par les jihadistes

Mercredi dernier, HTS et ses alliés ont lancé une vaste offensive surprise contre les forces du régime dans le sud de la province d’Idleb et l’ouest de celle d’Alep. En quelques jours, les assaillants sont parvenus à s’emparer de dizaines de localités et à pénétrer dans Alep, deuxième ville de Syrie, vendredi.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les jihadistes et rebelles contrôlent désormais la majeure partie d’Alep, un verrou stratégique du nord du pays. Il s’agit de leur plus importante percée territoriale depuis le début du processus de « désescalade » engagé en 2016 et l’instauration de trêves dans plusieurs zones de la Syrie.

Une escalade qui menace les fragiles équilibres

Cette brusque flambée de violences, la première d’une telle ampleur depuis plusieurs années, fait craindre un embrasement général susceptible de réduire à néant les efforts diplomatiques visant à mettre un terme à une guerre qui a fait plus de 500 000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.

« Les combats actuels sont les plus intenses depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu en mars 2020 et risquent de le torpiller complètement »

– Un analyste contacté par l’AFP

Malgré leurs divergences, Moscou, Téhéran et Ankara avaient réussi à coopérer ces dernières années dans le cadre du processus dit d’Astana, avec l’objectif de mettre en place des zones de « désescalade » et de favoriser une solution politique en Syrie. Mais cette nouvelle escalade met à rude épreuve ces équilibres précaires.

La communauté internationale préoccupée

Face à la gravité de la situation, l’ONU n’a pas manqué d’exprimer sa vive inquiétude. Le porte-parole du secrétaire général Antonio Guterres a appelé vendredi à « une désescalade immédiate » et mis en garde contre « le risque d’une détérioration plus importante avec des conséquences catastrophiques pour les civils ».

Plusieurs chancelleries occidentales ont également fait part de leur préoccupation et appelé à une retenue maximale des différents acteurs afin d’éviter une aggravation de la crise humanitaire dans la région. Des sources diplomatiques affirment qu’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU pourrait se tenir en urgence dans les prochains jours si la situation continuait à se dégrader sur le terrain.

Alors que le conflit entre dans sa douzième année, l’épisode actuel rappelle combien la situation syrienne demeure explosive et sujette à des soubresauts brutal même après des mois d’accalmie relative. Les discussions entre Moscou, Ankara et Téhéran seront suivies de près pour savoir si un retour au calme est possible ou si au contraire, le pays risque de s’enfoncer dans une nouvelle spirale meurtrière.

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