Le secteur du bricolage traverse une zone de turbulences. Après avoir connu un véritable âge d’or pendant la pandémie de Covid-19, les enseignes phares du marché font désormais grise mine. Castorama et Leroy Merlin, les deux mastodontes de l’outillage et de l’aménagement de la maison, viennent d’annoncer des réductions d’effectifs conséquentes dans leurs sièges respectifs. Un signal fort qui en dit long sur l’état de santé du secteur.
Un plan de départs volontaires chez Castorama
Du côté de l’enseigne au castor, c’est un plan de départs volontaires qui est sur la table. Selon des sources proches du dossier, jusqu’à 100 postes pourraient être concernés au siège de Templemars, dans la banlieue de Lille. Cela représenterait près d’un salarié sur sept dans les fonctions support. La direction se veut rassurante en précisant qu’aucun collaborateur des magasins ne serait impacté.
Ce plan s’inscrit dans le cadre d’une stratégie globale visant à redresser la rentabilité et à adapter l’entreprise à un contexte concurrentiel en pleine mutation. Castorama, qui compte plus de 11 000 salariés et 95 magasins en France, a vu ses ventes reculer de 4,9% au troisième trimestre 2023.
Leroy Merlin n’est pas en reste
L’autre géant français du bricolage, Leroy Merlin, est lui aussi contraint de resserrer la vis. Le groupe nordiste vient de finaliser une rupture conventionnelle collective au sein de son siège de Lezennes, toujours dans la métropole lilloise. 130 postes ont été supprimés sur un effectif total d’environ 3 000 collaborateurs sur le site.
Là encore, la direction évoque un contexte de marché difficile, avec des ventes en recul à l’image du secteur. La baisse de la natalité et le ralentissement des transactions immobilières pèsent lourdement sur l’activité, les Français étant moins enclins à réaliser des travaux.
La fin de l’âge d’or post-Covid
Ces réductions d’effectifs marquent un véritable tournant pour un secteur qui avait pourtant le vent en poupe au sortir de la crise sanitaire. Confinés chez eux, de nombreux Français s’étaient découvert une passion pour le bricolage, dopant les ventes des enseignes spécialisées.
On a assisté à un véritable boom du DIY (Do It Yourself, ndlr) pendant les confinements. Mais cet engouement s’est révélé éphémère une fois le Covid derrière nous.
Un expert du secteur de la distribution
Le retour à la vie normale a mécaniquement fait baisser la fréquentation des magasins de bricolage. Les priorités des ménages ont changé, au profit notamment des loisirs et des voyages.
La menace du e-commerce
Autre défi de taille pour les acteurs traditionnels du bricolage : la montée en puissance du commerce en ligne. De plus en plus de consommateurs achètent leurs outils et leurs matériaux de rénovation sur internet, séduits par des prix compétitifs et une large gamme de choix.
Face à cette concurrence féroce, Castorama et Leroy Merlin doivent impérativement muscler leurs canaux digitaux. Un virage stratégique qui s’annonce coûteux et complexe pour ces enseignes historiquement ancrées dans le commerce physique.
Vers une restructuration profonde du secteur ?
Au-delà des plans sociaux ponctuels, c’est toute la filière du bricolage qui pourrait être amenée à se restructurer dans les années à venir. Avec des foyers moins nombreux, un pouvoir d’achat en berne et des modes de consommation en pleine mutation, le modèle économique des grandes surfaces spécialisées est plus que jamais sous pression.
Pour s’adapter, les enseignes devront faire preuve de créativité et d’agilité. Développement des services, personnalisation de l’offre, montée en gamme… Les pistes sont nombreuses pour réinventer le commerce de détail et redonner de l’attractivité aux magasins physiques. Une mutation profonde qui ne pourra se faire sans casse sociale, comme le montrent les exemples de Castorama et Leroy Merlin.
Des défis sociaux à relever
Au-delà de l’impact sur l’emploi, ces réductions d’effectifs soulèvent aussi des questions sur les conditions de travail et le dialogue social au sein de ces entreprises. Alors que les salariés ont été en première ligne pendant la crise sanitaire, certains syndicats dénoncent un manque de reconnaissance et une précarisation croissante des métiers du commerce.
Il y a urgence à repenser la place de l’humain dans ces grands groupes de distribution, qui restent des employeurs majeurs malgré les turbulences. Formation, qualité de vie au travail, perspectives d’évolution… Autant de chantiers cruciaux pour préserver l’attractivité de ces entreprises et limiter les dégâts sociaux d’une inévitable transformation.
Une chose est sûre : le bricolage a encore de beaux jours devant lui. Mais pour continuer à séduire les consommateurs, le secteur va devoir se réinventer en profondeur, quitte à tailler dans ses effectifs. Un défi immense qui pourrait rebattre les cartes du marché pour les années à venir.