C’est un jugement historique qui vient d’être confirmé en dernière instance par la justice allemande. Vendredi, la Cour fédérale de Justice a rejeté l’appel de Bai Lowe, un Gambien de 49 ans condamné il y a un an à la prison à vie pour « crime contre l’humanité, meurtre et tentative de meurtre ». Au terme d’un procès sans précédent mené à Celle, dans le nord de l’Allemagne, cet ancien membre des « Junglers », un groupe paramilitaire au service du régime de l’ex-dictateur Yahya Jammeh, a été reconnu coupable d’une série d’exactions commises entre 2003 et 2006 en Gambie.
Un chauffeur devenu tueur à gage
Chauffeur attitré des Junglers, Bai Lowe a participé directement à l’élimination de toute forme d’opposition sous Jammeh, au pouvoir de 1994 à 2017. Parmi ses victimes figure notamment Deyda Hydara, correspondant de l’AFP pendant plus de 30 ans, cofondateur du journal indépendant The Point, abattu par balles le 16 décembre 2004. Mais aussi un avocat, Ousman Sillah, qui a réchappé à une tentative de meurtre, ainsi que deux employées du journal de Deyda Hydara. Un ancien soldat gambien, Dawda Nyassi, a lui aussi été assassiné avec la complicité de Bai Lowe.
Un procès historique en vertu de la compétence universelle
Ce procès, une première du genre, a pu se tenir en Allemagne en vertu du principe de « compétence universelle ». Il permet à la justice allemande de poursuivre les auteurs de crimes internationaux les plus graves, quelle que soit leur nationalité et où qu’ils aient été commis. Une demande d’assistance avait été adressée aux autorités gambiennes, restée lettre morte. Mais le tribunal de Celle a réussi à réunir suffisamment d’éléments à charge, dont des photos de Lowe en uniforme et une interview radio accablante datant de 2013.
La Cour a clos définitivement la procédure et confirmé la sentence.
Communiqué de la Cour fédérale de Justice
Un réfugié interpellé en Allemagne
Réfugié en Allemagne depuis 2012, Bai Lowe avait été arrêté en mars 2021 à Hanovre. Selon des sources proches de l’enquête, c’est son interview détaillée à la radio sur ses crimes qui aurait précipité son interpellation, bien qu’il ait tenté de minimiser son rôle. Condamné en juin 2022 à la perpétuité, il avait fait appel, en vain. La Cour fédérale vient donc de confirmer définitivement le jugement, n’ayant « relevé aucune erreur de droit préjudiciable à l’accusé ».
Les crimes de Jammeh en question
Au-delà du cas Bai Lowe, ce sont tous les crimes commis sous Yahya Jammeh qui se retrouvent sous les projecteurs. L’ex-dictateur, en exil en Guinée équatoriale depuis sa chute, est accusé d’avoir fait régner la terreur durant ses 22 ans de pouvoir, éliminant opposants et voix critiques. De nombreuses zones d’ombre demeurent sur le nombre exact de victimes et les commanditaires. La condamnation d’un Jungler ouvre la voie à d’autres procès, pour que toute la lumière soit faite sur l’un des régimes les plus sombres d’Afrique de l’Ouest.