Prendre un café avec vue sur l’un des endroits les plus tendus de la planète, c’est désormais possible. Un nouveau Starbucks vient d’ouvrir ses portes à proximité immédiate de la zone démilitarisée (DMZ) qui sépare la Corée du Nord et la Corée du Sud, vestige de la guerre froide. Une localisation pour le moins surprenante qui ne manque pas d’attirer les curieux.
Un café au plus près des tensions
Situé dans un observatoire surplombant la rivière Imjin, considérée comme « neutre », le café offre une vue imprenable sur la ville nord-coréenne de Kaepung, à seulement 1,4 km. Par temps clair, il est même possible d’apercevoir des villageois nord-coréens vaquer à leurs occupations, une vision presque irréelle quand on connaît le degré de fermeture du régime de Pyongyang.
Mais la localisation n’est pas anodine. Les relations entre les deux Corées sont plus tendues que jamais. Tirs de missiles, destruction d’infrastructures, menaces d’armes nucléaires… Les incidents se multiplient de part et d’autre de la frontière ces derniers mois, faisant craindre une escalade.
Un lieu entre fascination et malaise
Pourtant, cela n’a pas découragé la célèbre chaîne américaine réputée pour s’implanter dans des lieux parfois incongrus. Dès l’ouverture, des centaines de clients se sont pressés pour déguster leur boisson favorite tout en observant, fascinés, ce qui se passe de l’autre côté de la frontière.
« J’aimerais pouvoir partager ce café savoureux avec les habitants de la Corée du Nord «
Baek Hea-soon, une cliente âgée de 48 ans
Un souhait partagé par beaucoup mais qui semble bien utopique tant le fossé entre les deux pays paraît infranchissable. Car si pour les sud-coréens, il s’agit d’une expérience insolite voire excitante, impossible d’oublier la réalité de l’autre côté : un pays parmi les plus fermés et répressifs au monde, en proie à des pénuries alimentaires chroniques.
Le pari d’une nouvelle destination touristique
Au-delà de l’effet de curiosité, les autorités locales espèrent bien faire de ce Starbucks un peu spécial une véritable attraction touristique. D’après elles, il pourrait contribuer à changer l’image « sombre et déprimante » souvent associée à cette zone frontalière.
« Cet endroit pourrait devenir une destination touristique majeure pour la sécurité et la paix, perçue comme jeune, lumineuse et chaleureuse, tout en attirant l’attention du monde entier. »
Kim Byung-soo, maire de Gimpo
Un pari audacieux au vu du contexte géopolitique, mais qui s’inscrit dans la stratégie de la marque de se démarquer en investissant des lieux toujours plus originaux. Avec déjà près de 2000 points de vente dans le pays, la conquête de la DMZ semblait presque une étape logique.
Entre business et diplomatie du café
Reste que cet établissement aux allures de tour de guet n’est pas qu’un simple coup marketing. Dans un contexte de tensions exacerbées, il porte aussi un message, certes symbolique : celui d’une possible détente autour d’un café, aussi improbable soit-elle.
En attendant une hypothétique réconciliation, le Starbucks de la DMZ devrait continuer à faire parler de lui et à attirer les foules. Une façon comme une autre de garder un œil sur cette frontière si particulière, tout en savourant son café préféré.
Mais derrière l’excitation des selfies avec un bout de Corée du Nord en arrière-plan, impossible d’oublier la dramatique réalité de la division de la péninsule. Un paradoxe troublant résumé par ce café, entre business et géopolitique, légèreté et gravité. Un lieu à l’image de cette frontière, fascinante et dérangeante à la fois.