ActualitésInternational

Géorgie : Repousser l’Europe, Embrasser Moscou

Géorgie : le gouvernement repousse son ambition européenne à 2028 sur fond de crise électorale. Tensions, accusations de chantage de Bruxelles et répression de l'opposition secouent la république caucasienne, qui se détourne de l'UE pour embrasser Moscou...

C’est un vent glacial qui souffle sur les velléités européennes de la Géorgie. Alors que les élections législatives d’octobre dernier ont donné la victoire au parti prorusse au pouvoir, le Rêve géorgien, le premier ministre Irakli Kobakhidzé a annoncé jeudi repousser à 2028 l’ambition d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Union Européenne. Une décision aussi brutale qu’inattendue, sur fond d’accusations de « chantage » proféré à l’encontre de Bruxelles.

Le Parlement européen rejette les résultats, Tbilissi crie au « chantage »

Quelques heures avant cette annonce fracassante, le Parlement européen avait adopté une résolution cinglante, rejetant les résultats des élections géorgiennes en pointant du doigt des « irrégularités significatives ». Les eurodéputés exigeaient l’organisation d’un nouveau scrutin sous supervision internationale et brandissaient la menace de sanctions à l’encontre de hauts responsables géorgiens, dont le premier ministre lui-même.

Une ingérence intolérable pour Tbilissi, qui a immédiatement crié au « chantage » de la part de « certains politiciens européens ». Kobakhidzé a toutefois assuré poursuivre les réformes nécessaires pour préparer la Géorgie à ouvrir les négociations d’adhésion, mais en 2028. Une manière de garder la main, tout en tournant ostensiblement le dos à Bruxelles.

Une démocratie en lambeaux

Le nouveau parlement géorgien issu des législatives controversées a par ailleurs confirmé jeudi Irakli Kobakhidzé au poste de premier ministre. Un vote boycotté par l’opposition pro-occidentale, qui refuse de siéger depuis lundi, dénonçant une dérive autoritaire et prorusse du parti au pouvoir. La présidente Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, a même déclaré le nouveau parlement « inconstitutionnel ».

Aujourd’hui, le gouvernement illégitime a déclaré la guerre à son propre peuple. Je suis la seule institution légitime, la seule représentante légitime de ce pays.

Salomé Zourabichvili, présidente de la Géorgie

La rue gronde, la police charge

Face à cette crise politique majeure, la rue gronde. Des milliers de manifestants se sont rassemblés jeudi devant le parlement et le siège du parti au pouvoir à Tbilissi, agitant des drapeaux européens et géorgiens. « Le Rêve géorgien n’a pas remporté les élections, il a organisé un coup d’État », s’insurge un jeune manifestant. « Nous ne laisserons pas ce premier ministre autoproclamé détruire notre avenir européen ».

La police anti-émeute est rapidement intervenue pour disperser les protestataires à coups de gaz lacrymogènes, selon des journalistes sur place. Des dizaines de diplomates géorgiens ont également publié une déclaration commune dénonçant la décision du gouvernement qui, selon eux, « ne correspond pas aux intérêts stratégiques du pays ».

L’étau russe se resserre

Le premier ministre géorgien semble, lui, regarder à l’Est. Irakli Kobakhidzé, considéré comme un fidèle du puissant milliardaire Bidzina Ivanichvili, fondateur du parti au pouvoir et accusé par ses détracteurs de tirer les ficelles de la politique nationale, a demandé à Bruxelles de « respecter nos intérêts nationaux et nos valeurs traditionnelles ». Un vocabulaire qui rappelle étrangement celui du Kremlin.

La Géorgie, ex-république soviétique qui avait pourtant obtenu le statut de candidat à l’adhésion européenne en décembre 2023, semble ainsi s’éloigner un peu plus de l’Occident pour tomber dans les bras de Moscou. Un virage stratégique lourd de conséquences pour ce pays du Caucase, tiraillé entre aspirations démocratiques et tentation autoritaire. L’Europe retiendra son souffle.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.