Le Mozambique est secoué par une vague de manifestations violemment réprimées depuis la contestation des résultats de l’élection présidentielle du 9 octobre dernier. Mercredi, de nouveaux heurts ont éclaté dans la capitale Maputo, où une femme a été grièvement blessée après avoir été fauchée par un véhicule de la police anti-émeute.
Selon des témoins sur place, des manifestants ont jeté des pierres sur les forces de l’ordre, qui ont répliqué par des tirs de balles réelles et de gaz lacrymogènes. C’est lors de ces affrontements qu’un véhicule blindé de la police a foncé sur une femme qui se tenait derrière une banderole, la projetant violemment au sol.
J’ai tout vu de mes propres yeux, elle a le bras cassé, elle a la jambe cassée. On ne sait pas si elle va survivre.
Un témoin de la scène à l’AFP
Des vidéos de l’incident, devenues virales sur les réseaux sociaux, montrent la femme grièvement blessée être évacuée par d’autres manifestants. Ailleurs à Maputo, des centaines de personnes ont défilé vers le centre-ville en scandant des slogans hostiles au parti au pouvoir, le Frelimo.
Une Contestation Violemment Réprimée
Ces nouvelles manifestations interviennent dans un contexte de contestation des résultats de la présidentielle du 9 octobre, remportée officiellement par Filip Nyusi, le candidat du Frelimo, avec 71% des voix. Son principal opposant, Venancio Mondlane, qui a obtenu 20% des suffrages, dénonce des fraudes massives et revendique la victoire.
Depuis l’annonce des résultats, M. Mondlane a lancé un vaste mouvement de protestation dans tout le pays, brutalement réprimé par les forces de sécurité. Selon le Centre pour la démocratie et les droits humains, une ONG mozambicaine, au moins 65 personnes auraient été tuées par la police depuis le début des troubles post-électoraux.
Le président sortant Filip Nyusi, qui doit quitter le pouvoir en janvier, a pour sa part évoqué la mort de 19 personnes, dont 5 policiers. Mais pour l’opposition et la société civile, le bilan serait bien plus lourd, alors que de nombreuses informations font état d’un usage disproportionné de la force par la police anti-émeute.
Vers une Crise Politique Majeure
Au-delà des violences, c’est la légitimité même du prochain gouvernement qui est en jeu. L’opposition accuse le Frelimo, l’ancien parti unique qui domine le pays depuis son indépendance en 1975, d’avoir truqué le scrutin pour conserver le pouvoir.
Les observateurs internationaux ont également émis des doutes sur le déroulement du vote, critiquant un manque de transparence et des irrégularités dans le dépouillement et le décompte des bulletins. Mais les recours déposés par l’opposition ont été rejetés par la commission électorale et par la justice.
Après plusieurs semaines de troubles, le Mozambique semble s’enfoncer dans une crise politique majeure sur fond de violences et de contestation des institutions. Venancio Mondlane a appelé ses partisans à maintenir la pression dans la rue, malgré la sanglante répression policière, afin d’obtenir l’annulation de l’élection.
Mais le gouvernement reste intransigeant et semble déterminé à écraser la contestation dans le sang si nécessaire. Des renforts policiers ont été dépêchés dans la capitale tandis que l’armée a été placée en état d’alerte. Une escalade des violences dans les prochains jours est à craindre.
Une Démocratie Fragile Menacée
Cette crise post-électorale met en lumière la fragilité de la jeune démocratie mozambicaine, minée par les divisions et les accusations de fraude. Le pays a connu une guerre civile meurtrière de 1977 à 1992, avant de se tourner vers le multipartisme.
Mais le Frelimo, malgré l’ouverture politique, n’a jamais perdu le pouvoir et continue de contrôler étroitement l’armée, la police et l’administration. L’opposition dénonce régulièrement des manipulations électorales, des actes d’intimidation et un accès inégal aux médias publics.
Avec cette nouvelle crise, c’est la stabilité et l’unité du pays qui sont en jeu. Des appels au dialogue national ont été lancés pour désamorcer les tensions, mais les positions semblent pour l’instant irréconciliables entre le pouvoir et ceux qui contestent sa légitimité.
Le Mozambique, un pays pauvre d’Afrique australe qui mise sur ses immenses réserves en gaz pour son développement, ne peut pourtant pas se permettre de sombrer dans un nouveau cycle de violences politiques. La communauté internationale, l’Union Africaine en tête, a appelé toutes les parties à la retenue.
Mais sans compromis rapide sur le contentieux électoral et sans enquête indépendante sur les violences policières, le risque d’embrasement et de déstabilisation durable du pays est réel. Le fragile équilibre démocratique né des accords de paix de 1992 n’a jamais semblé aussi menacé.