La proposition de loi déposée la semaine dernière par les députés de la France Insoumise (LFI) visant à abroger le délit d’apologie du terrorisme ne fait pas l’unanimité au sein du Nouveau Front populaire (NFP). Alors que les Insoumis souhaitent supprimer cette infraction du Code pénal, estimant qu’elle aurait accentué « l’instrumentalisation de la lutte antiterroriste » contre la liberté d’expression, leurs partenaires prennent leurs distances.
Un texte « mal écrit » pour Fabien Roussel
Invité lundi soir sur France 5, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a reconnu que la loi de 2014, qui a instauré le délit d’apologie du terrorisme, était « dévoyée, mal utilisée, utilisée à l’excès. » Néanmoins, il juge que la proposition de loi déposée par les Insoumis « est mal faite, mal écrite ».
Selon l’ancien député du Nord, le texte LFI prévoit d’abroger le délit sans le rétablir dans l’ancienne version, à savoir dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse. « Il manque cet article-là », note Fabien Roussel. « Si ce texte était voté, ce serait abrogé mais pas rétabli. Et donc il n’y aurait plus de moyens juridiques pour condamner et poursuivre ceux qui font l’apologie du terrorisme », regrette-t-il.
Les précisions des Insoumis
Face aux critiques, la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot a tenu à préciser dimanche sur BFMTV les intentions du groupe parlementaire. « Il faut remettre ce délit au bon endroit, c’est-à-dire dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse », a-t-elle expliqué, assurant que l’objectif était de le « supprimer du Code pénal ».
Il faut être intraitable dans la lutte contre le terrorisme, comme le racisme, dans l’antisémitisme.
Fabien Roussel
L’indignation des socialistes
Du côté du Parti socialiste, l’initiative de LFI a suscité un vif rejet. L’article créant le délit d’apologie du terrorisme avait en effet été adopté en 2014 par une majorité socialiste, sous le quinquennat de François Hollande, redevenu simple député. Les cadres du PS ont fustigé une « provocation inutile et grave » de la part de leurs alliés insoumis.
Un NFP divisé sur la question
Lors de son intervention télévisée, Fabien Roussel a également dénoncé la stratégie des Insoumis, qu’il accuse de chercher un « buzz pendant 48 heures » sur un sujet aussi sensible. Des accusations balayées par Mathilde Panot, qui appelle la gauche à soutenir ce texte « extrêmement important » selon elle.
Reste que cet épisode illustre une nouvelle fois les divergences grandissantes au sein du NFP, en particulier entre LFI et ses partenaires socialistes et communistes. Sous couvert d’anonymat, un cadre socialiste déplore auprès du Figaro « une fuite en avant » des Insoumis sur les sujets régaliens, « sans concertation avec les autres composantes de l’alliance ».
Un débat piégeux pour la gauche ?
Pour certains à gauche, l’idée de réviser la législation antiterroriste apparaît politiquement risquée, voire contre-productive, alors que se profile l’élection présidentielle de 2027. LFI est déjà régulièrement taxée de complaisance envers l’islamisme par ses adversaires. Ouvrir un débat sur le délit d’apologie du terrorisme pourrait attiser les critiques.
« Mélenchon veut un clash culturel permanent, quitte à nous faire passer pour des idiots utiles des islamistes », s’agace un responsable socialiste. De son côté, la majorité présidentielle n’a pas manqué de critiquer vertement l’initiative des Insoumis. Le ministre Gabriel Attal a ainsi exhorté la gauche à « se désolidariser » de ce texte « inacceptable ».
Au final, si la cheffe des députés LFI persiste à vouloir inscrire sa proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, il y a peu de chances qu’elle soit adoptée en l’état. Reste à savoir si cet énième psychodrame aura des répercussions durables sur la cohésion, déjà fragile, du Nouveau Front populaire.