Le télescopage entre la réouverture tant attendue de la cathédrale Notre-Dame de Paris et la visite surprise du Pape François en Corse ne passe pas inaperçu. Les deux événements, prévus à une semaine d’intervalle en décembre, soulèvent des questionnements et suscitent un début de polémique. Le refus du souverain pontife d’être présent dans la capitale pour célébrer la renaissance de l’édifice emblématique, ravagé par un incendie en 2019, est perçu par certains comme un camouflet fait à la France. Décryptage d’une situation qui met en lumière les subtilités des relations entre l’Eglise et l’Etat.
Le « non » du Pape à Notre-Dame qui passe mal
C’était un secret de polichinelle : Emmanuel Macron souhaitait ardemment la présence du Pape François lors des cérémonies de réouverture de Notre-Dame de Paris, programmées les 7 et 8 décembre prochains. Le chef de l’Etat, qui a fait de la restauration de la cathédrale un chantier prioritaire de son quinquennat, voyait dans la participation du Saint-Père une consécration de cette prouesse architecturale et un symbole fort d’unité nationale. Las, le Vatican a douché ses espoirs en annonçant que le Pape ne ferait pas le déplacement, invoquant un agenda chargé avec notamment la création de nouveaux cardinaux à ces mêmes dates.
Si officiellement l’Elysée se refuse à tout commentaire, en coulisses le dépit est palpable. Certains y voient même un affront, le planning papal ayant été dévoilé tardivement. On a l’impression que le Pape snobe Notre-Dame et Paris
, confie une source proche du dossier. L’amertume est d’autant plus grande que le souverain pontife a dans le même temps confirmé sa venue en Corse le 15 décembre, une première pour un pape depuis 1815.
La Corse avant Paris, un choix porteur de sens
En acceptant l’invitation de Mgr François Bustillo, l’influent évêque d’Ajaccio, le Pape François envoie un message fort. Il privilégie une terre de tradition catholique, historiquement liée au Vatican, à la capitale française et son joyau gothique ressuscité qui incarne aussi la laïcité républicaine. Un choix qui fait grincer quelques dents au sein du clergé français et qui n’est pas exempt d’arrière-pensées politiques selon les observateurs.
Le Pape fait un geste envers les catholiques les plus fervents en allant en Corse plutôt qu’à Paris.
Un spécialiste du Vatican
Au-delà de l’attachement à l’île de Beauté, où la foi imprègne encore fortement la société, ce déplacement est vu comme un habile coup politique du Pape François. En déclinant l’invitation pour Notre-Dame, il marque son indépendance vis-à-vis du pouvoir temporel. Mais il ménage aussi sa relation singulière avec Emmanuel Macron, avec qui il partage certains combats comme l’écologie ou la lutte contre la pauvreté.
Dissiper les malentendus sans froisser les susceptibilités
Conscient que son absence à Paris pourrait être mal interprétée, le Saint-Siège s’emploie à déminer le terrain. Il rappelle que le Pape n’a jamais envisagé de participer aux festivités de Notre-Dame, son agenda ne le permettant pas. Tout juste concède-t-on un défaut de communication dans un calendrier dévoilé au compte-goutte.
Côté français, on s’efforce aussi de dédramatiser. L’Élysée assure que les relations avec le Vatican sont excellentes
et que la venue du Pape en Corse est une chance pour le dialogue interreligieux et la cohésion nationale
. Pas question donc de bouder le Souverain Pontife, même si l’on espérait secrètement sa bénédiction pour Notre-Dame ressuscitée.
Il n’empêche, cette double séquence papale de décembre, entre Corse et Paris, ne manquera pas de soulever des questions sur la place de la religion catholique dans un pays attaché au principe de laïcité. Le pape François, par ses choix, bouscule les équilibres subtils entre foi et République. Résultat, beaucoup se pressent déjà pour décrypter la moindre de ses paroles et de ses gestes lors de son périple insulaire. Les relations entre l’Église et l’État n’ont pas fini de se jouer sur le fil du rasoir.