Dans un contexte de déficit record de la Sécurité sociale, le Sénat vient d’approuver une mesure phare mais controversée du projet de budget 2024 : la réduction des allègements de cotisations patronales. Une décision qui devrait permettre de dégager pas moins de 3 milliards d’euros supplémentaires pour financer notre système de santé, soit un milliard de moins que l’objectif initial fixé par le gouvernement. Retour sur les coulisses d’un débat aussi crucial que houleux.
Un compromis âprement négocié
Selon nos informations, les discussions autour de cette mesure sensible ont duré plusieurs heures au Palais du Luxembourg. Face à la fronde du patronat et la réticence de certains sénateurs de la majorité, le gouvernement a dû revoir ses ambitions à la baisse. Initialement, l’exécutif espérait pouvoir récupérer 4 milliards d’euros en réduisant les allègements de cotisations employeurs, une manne financière jugée indispensable pour renflouer les caisses de la Sécu.
Mais après d’intenses tractations en coulisses, c’est finalement une solution de compromis qui a été adoptée : une rentrée d’argent limitée à 3 milliards d’euros, soit 25% de moins que prévu. Un amendement porté par le rapporteur LR du budget de la Sécu, Alain Milon, qui a su convaincre une majorité de ses collègues malgré les vives protestations des représentants du patronat.
Des conséquences contrastées pour les entreprises
Si cette décision est saluée par les syndicats et une partie de la gauche, qui y voient un signal fort en faveur du financement de la protection sociale, elle suscite en revanche l’inquiétude du monde économique. Les organisations patronales n’ont pas tardé à dénoncer un “mauvais coup porté à la compétitivité des entreprises françaises”, déjà fragilisées par la crise sanitaire et la flambée des prix de l’énergie.
Pourtant, tous les secteurs ne seront pas logés à la même enseigne. D’après nos sources, les PME de moins de 250 salariés devraient être largement épargnées par ce tour de vis fiscal, l’essentiel de l’effort étant supporté par les grandes entreprises et les groupes du CAC40. Une manière de concentrer l’effort sur les acteurs économiques les plus solides, tout en préservant le dynamisme de nos TPE/PME.
Un premier pas vers une réforme plus large ?
Au-delà de son impact financier immédiat, la réduction des allègements de cotisations patronales pourrait bien n’être qu’une première étape vers une refonte plus globale de notre système de financement de la Sécurité sociale. C’est en tout cas le souhait exprimé par plusieurs responsables de la majorité, qui plaident pour une remise à plat progressive des “niches sociales” dont bénéficient aujourd’hui les entreprises.
“Il faut rééquilibrer la part des contributions entre ménages et entreprises. À terme, l’objectif est d’aller vers un financement plus équitable et plus pérenne de notre modèle social.”
Un conseiller ministériel
Une perspective qui ne manquera pas de susciter de nouveaux débats dans les prochains mois, alors que le déficit de la Sécurité sociale devrait encore se creuser en 2024 pour atteindre la barre symbolique des 20 milliards d’euros. Face à l’ampleur de la dette sociale, l’exécutif entend bien explorer toutes les pistes pour redresser la barre, quitte à bousculer certains tabous.
Mais attention à ne pas mettre en péril notre tissu économique dans cette quête d’économies à tout prix. C’est tout l’enjeu du subtil équilibre que devront trouver le gouvernement et les parlementaires dans les semaines à venir. Un sacré défi dans un contexte social et politique déjà particulièrement inflammable.