Alors que les débats autour du projet de loi de finances 2025 s’intensifient, le premier ministre Michel Barnier a décidé de prendre les devants. Selon des sources proches de Matignon, il s’apprête à recevoir dans son bureau, la semaine prochaine, les présidents des groupes parlementaires des deux chambres pour poursuivre les discussions sur ce budget crucial.
Une main tendue vers l’opposition
Parmi les invités figurent des personnalités de premier plan de l’opposition, comme Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement National à l’Assemblée, et Mathilde Panot, cheffe de file des députés de La France Insoumise. Un geste fort de la part de Michel Barnier, qui avait promis dès sa nomination à Matignon en septembre dernier de dialoguer avec l’ensemble des forces politiques représentées au Parlement.
Cette série de rencontres intervient à un moment charnière, alors que la partie “recettes” du budget a été rejetée par les députés et que le texte s’apprête à être examiné au Sénat à partir du 25 novembre. L’objectif affiché de Matignon est clair :
Identifier les priorités des différents groupes parlementaires afin de garantir que les textes financiers répondent aux attentes des citoyens tout en assurant la soutenabilité budgétaire.
La délicate équation budgétaire
Mais la tâche s’annonce ardue pour le premier ministre, qui doit naviguer entre les exigences parfois contradictoires des différents groupes politiques et l’impératif de maîtrise des dépenses publiques. Un véritable numéro d’équilibriste que Michel Barnier va devoir réaliser, lui qui a déjà annoncé la semaine dernière qu’il aurait “probablement” recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget sans vote.
Une perspective qui fait grincer des dents dans les rangs de l’opposition, à commencer par le Rassemblement National. Son président Jordan Bardella a ainsi mis en garde lundi soir sur BFMTV, affirmant que le gouvernement “prenait le chemin” d’un rejet de censure.
Le RN, un partenaire incontournable
Un avertissement que Michel Barnier ne peut ignorer, conscient du pouvoir de nuisance du RN qui pourrait faire tomber le gouvernement en votant une motion de censure avec la gauche. D’où l’importance pour le premier ministre de ne pas froisser outre mesure le parti de Marine Le Pen, avec lequel il a pris soin dès le départ d’entretenir des relations apaisées.
Une prudence symbolisée par le coup de fil de Michel Barnier à Marine Le Pen quelques jours seulement après la formation du gouvernement, pour recadrer son ministre de l’Économie Antoine Armand qui avait déclaré que le RN ne faisait pas partie de “l’arc républicain”.
Un budget sous haute surveillance
Au-delà des manœuvres politiques, c’est bien sur le fond que Michel Barnier va devoir convaincre. Car si le premier ministre a promis de prendre en compte les “attentes des citoyens”, il a aussi rappelé à plusieurs reprises sa volonté de contenir la dette publique et de réduire les déficits.
Un exercice périlleux dans un contexte économique et social tendu, marqué par une inflation persistante, des plans sociaux à répétition et une grogne sociale qui monte, comme l’a montré la récente mobilisation des salariés des raffineries pour des hausses de salaires.
Autant de paramètres qui vont compliquer la tâche de Michel Barnier et de son ministre du Budget François Cormier, chargés de boucler un budget 2025 scruté de toute part. Un budget qui promet déjà d’être l’un des dossiers les plus brûlants de ce début de quinquennat.
Les points clés à surveiller
Plusieurs sujets devraient cristalliser les tensions lors de l’examen du projet de loi de finances :
- La trajectoire des déficits et de la dette : jusqu’où le gouvernement est-il prêt à laisser filer les comptes publics pour répondre aux attentes des Français sur le pouvoir d’achat et les services publics ?
- Le financement de la transition écologique : comment dégager des marges de manœuvre budgétaires pour investir massivement dans la décarbonation de l’économie, grand défi de ce quinquennat ?
- La réforme des retraites : une mesure explosive sur le plan social, mais jugée indispensable par le gouvernement pour équilibrer le système de retraite. Sera-t-elle intégrée au budget 2025 au risque de tendre encore plus les débats ?
- Les baisses d’impôts : une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, qui suscite des craintes sur leur financement et leur impact sur les inégalités.
Autant d’arbitrages budgétaires et politiques qui vont mettre à l’épreuve le sens du compromis et la capacité de conviction de Michel Barnier. Fort de sa stature d’ancien ministre de l’Économie et ex-négociateur en chef des Européens sur le Brexit, saura-t-il cette fois encore sortir son épingle du jeu ? Réponse dans les prochaines semaines, au fil de l’examen d’un budget 2025 déjà entré dans le vif du sujet.