Face à l’ampleur de la crise migratoire, le Royaume-Uni sort de sa réserve. Le gouvernement britannique a annoncé mercredi la signature imminente d’accords de coopération avec trois pays des Balkans occidentaux – la Serbie, la Macédoine du Nord et le Kosovo – dans le but de démanteler les réseaux criminels de passeurs qui y sévissent. Une initiative forte à la veille d’un sommet européen crucial sur l’immigration clandestine.
Les Balkans, plaque tournante des migrations illégales vers l’Europe
Selon des sources gouvernementales, près de 100 000 migrants auraient transité par les Balkans occidentaux en 2023, faisant de cette région une route majeure pour ceux cherchant à rejoindre illégalement l’Union européenne ou le Royaume-Uni. Londres entend donc renforcer sa collaboration avec Belgrade, Skopje et Pristina, sur le modèle du partenariat noué fin 2022 avec l’Albanie, afin d’échanger des renseignements et d’intercepter plus efficacement les gangs de passeurs.
Un fléau aux lourdes conséquences humaines et sécuritaires
Le Premier ministre britannique Keir Starmer, qui participera jeudi au sommet de la Communauté politique européenne (CPE) en Hongrie, a martelé la nécessité d’une réponse coordonnée face à ce qu’il a qualifié d’« empire criminel qui opère sur notre continent ». « Il est à l’origine d’un terrible bilan humain et porte atteinte à notre sécurité nationale », a-t-il déploré, soulignant que le Royaume-Uni ne pouvait pas « mettre fin au fléau de la criminalité organisée liée à l’immigration » de manière isolée.
Le Royaume-Uni sera au cœur des efforts visant à mettre fin au fléau de la criminalité organisée liée à l’immigration, mais nous ne pouvons pas le faire de manière isolée.
Keir Starmer, Premier ministre britannique
Un lourd tribut humain dans la Manche
La situation est particulièrement préoccupante dans la Manche, où plus de 30 000 migrants sont arrivés illégalement au Royaume-Uni depuis janvier sur des embarcations de fortune. Un chiffre en forte hausse par rapport à 2023, qui comptabilisait déjà un nombre record de traversées. Et le bilan humain est dramatique : au moins 60 personnes ont perdu la vie en tentant de rejoindre les côtes anglaises cette année, faisant de 2024 l’année la plus meurtrière depuis l’émergence de ce phénomène en 2018.
Le défi de la coopération post-Brexit
Mais depuis sa sortie de l’Union européenne, Londres a perdu l’accès à des outils cruciaux comme les bases de données Eurodac (empreintes des demandeurs d’asile) et le Système d’Information Schengen (SIS). Un manque que le gouvernement Starmer entend pallier en renforçant ses liens bilatéraux, tout en plaidant pour une coopération accrue avec ses partenaires européens. Le dirigeant travailliste a d’ailleurs assuré percevoir « un appétit » en ce sens lors de l’assemblée générale d’Interpol à Glasgow.
Vers une approche plus pragmatique ?
Ce nouvel élan contraste avec la ligne dure des précédents gouvernements conservateurs, qui avaient notamment élaboré un projet controversé – et finalement abandonné – d’expulsions de demandeurs d’asile vers le Rwanda. Keir Starmer semble miser davantage sur une approche pragmatique axée sur :
- Le démantèlement des réseaux de passeurs
- Une coopération renforcée avec les pays de transit et les partenaires européens
- La recherche de solutions pérennes pour faire baisser durablement les arrivées illégales
Reste à voir si cette stratégie portera ses fruits et si le Royaume-Uni parviendra à rallier ses voisins à sa cause, alors que l’Europe peine à parler d’une seule voix sur ce dossier brûlant. Le sommet de la CPE en Hongrie sera un premier test de cette volonté affichée de concertation, face à ce que Keir Starmer a appelé « une menace pour la sécurité mondiale comparable au terrorisme ». L’heure semble en tout cas à la mobilisation, pour tenter d’endiguer un fléau qui endeuille chaque jour un peu plus les rives de la Manche et les routes des Balkans.