La Serbie est sous le choc après l’effondrement meurtrier d’un pan de la gare de Novi Sad le 1er novembre dernier, qui a coûté la vie à 14 personnes dont plusieurs enfants. Cette tragédie a ravivé la colère d’une partie de la population, lasse de la corruption et du népotisme qui gangrènent la classe politique du pays depuis des années.
Des manifestations pour réclamer des comptes
Dès le lendemain du drame, des milliers de Serbes sont descendus dans les rues de Novi Sad et d’autres villes du pays pour exiger des démissions au plus haut niveau de l’État. Mardi soir, ils étaient environ 20 000 rassemblés devant la gare où s’est produit l’accident, scandant des slogans hostiles au gouvernement :
Que la Serbie s’arrête pour que l’enquête puisse avancer
Combien d’autres enfants morts ?
Prison ! Prison !
Sous la pression de la rue, le ministre de la Construction Goran Vesic a fini par remettre sa démission quelques heures avant le grand rassemblement de Novi Sad. Mais les manifestants réclament d’autres têtes, à commencer par celle du Premier ministre Milos Vucevic, lui-même ancien maire de la ville.
Un pays miné par la corruption
Au-delà de l’émotion suscitée par cette tragédie, l’effondrement de la gare met en lumière les dérives d’un système politique miné par les malversations. Depuis plus de 10 ans, le parti du président Aleksandar Vucic, le SNS (droite nationaliste), règne sans partage sur le pays. Un règne marqué par la multiplication des grands projets d’infrastructures, souvent confiés à des entreprises étrangères dans des conditions opaques.
Sécurité et prospérité : telles étaient les promesses d’Aleksandar Vucic lorsqu’il a pris les rênes du gouvernement en 2012, après les guerres qui ont ravagé les Balkans dans les années 1990. Une prospérité bâtie sur une “Serbie des grues”, pour reprendre une expression de celui qui est aujourd’hui président. Mais derrière les échafaudages et les rubans coupés, les soupçons de corruption et de copinage se multiplient.
Des doutes sur la sécurité des ouvrages
L’enquête devra déterminer les causes exactes de l’effondrement à Novi Sad. Les regards se tournent notamment vers les travaux de rénovation récemment menés sur le bâtiment datant des années 1960, et en partie réalisés par un consortium chinois. Le contrat, non public, soulève des interrogations.
Au-delà de la gare, c’est la sécurité de nombreux ouvrages publics qui est remise en question dans un pays classé 104e sur 180 par l’ONG Transparency International. Autoroutes, gares routières, quartiers flambant neufs : les constructions se multiplient, le plus souvent sans réelle transparence ni contrôle indépendant.
Quand le pan d’un bâtiment vieux de 50 ans s’effondre juste après des travaux de rénovation, se poser des questions sur la sécurité de structures plus récentes, agrandies ou restaurées est une question de bon sens.
Dario Hajric, sociologue
Une enquête sous haute surveillance
Sous la pression populaire, une enquête a été ouverte pour faire la lumière sur les responsabilités dans le drame de Novi Sad. Le président Vucic a promis que “quiconque a commis une erreur sera poursuivi”. Mais peu de Serbes semblent croire à la volonté réelle du pouvoir d’assumer une quelconque responsabilité.
Les autorités n’ont pas besoin de la vérité, mais plutôt d’une version de la réalité dans laquelle elles ne portent aucune responsabilité.
Dario Hajric, sociologue
Alors que l’opposition dénonce un “résultat direct de la corruption”, le gouvernement serbe se retrouve sous pression. Entre appels à la transparence et exigence de justice, cette tragédie pourrait devenir le révélateur des dérives d’un système à bout de souffle. La Serbie retient son souffle, dans l’attente de réponses et d’une prise de conscience au sommet de l’État.