C’est un drame humain qui s’est joué à la frontière entre l’Iran et le Pakistan à la mi-octobre. Selon les révélations du gouvernement afghan ce jeudi, deux migrants afghans ont été tués et 34 autres blessés lors d’un incident violent impliquant les forces de sécurité iraniennes. Les autorités de Kaboul ont annoncé avoir rapatrié les corps des victimes ainsi que les rescapés, dont certains souffrent de blessures par balles, afin de les interroger sur les circonstances exactes du drame.
D’après un porte-parole du gouvernement taliban, les preuves collectées indiquent que “des explosions et des tirs d’armes à feu ont visé des Afghans dans la vallée de Kalgan en territoire iranien”. Une zone frontalière particulièrement sensible, point de passage de nombreux migrants afghans cherchant à fuir la misère et l’instabilité de leur pays, souvent dans l’espoir de rejoindre l’Europe.
Violences à la frontière : le lourd tribut payé par les migrants
Mi-octobre, un groupe de défense des droits de la minorité baloutche en Iran avait tiré la sonnette d’alarme, faisant état de dizaines de migrants afghans tués ou blessés par les forces de sécurité iraniennes alors qu’ils tentaient d’entrer en Iran depuis le Pakistan le 13 octobre. Si le bilan exact reste à confirmer, une source médicale afghane confie sous couvert d’anonymat que “certains migrants blessés par les forces de sécurité iraniennes ont été placés un temps sous la garde de l’armée pakistanaise avant d’être rapatriés”.
Face à l’ampleur du drame, l’ONU et des ONG internationales comme Amnesty International ont réclamé l’ouverture d’une enquête indépendante. Des vidéos chocs circulant en ligne montrent des corps ensanglantés le long d’une route ou des blessés par balles avec des membres en état de putréfaction. Selon Haalvsh, le groupe de défense baloutche à l’origine des révélations, quelque 260 personnes auraient été tuées, un bilan invérifiable en l’état mais qui donne une idée de l’intensité des violences.
L’Iran nie toute implication mais érige un mur
Pour l’heure, l’Iran n’a pas reconnu l’existence de ces heurts meurtriers sur son sol. Son émissaire pour l’Afghanistan affirmait même récemment sur X (anciennement Twitter) que “les informations concernant la mort de dizaines de citoyens illégaux à la frontière ne sont pas vraies”. Une position de déni qui tranche avec la réalité du terrain, alors que l’Iran a entrepris la construction d’un mur de plus de 10 kilomètres à sa frontière avec l’Afghanistan pour endiguer le flux croissant de migrants.
Les migrants afghans quittent souvent leur pays par la province afghane de Nimroz bordée par le Sistan-Baloutchistan, le sud-est de l’Iran où se trouve la vallée de Kalgan, et le Baloutchistan pakistanais.
Depuis le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan en août 2021, le nombre d’Afghans tentant de fuir le pays n’a cessé d’augmenter. Beaucoup transitent par le Pakistan pour tenter de rejoindre l’Iran, qui abrite déjà l’une des plus importantes populations de réfugiés au monde, essentiellement des Afghans. Selon un député iranien, Abolfazl Torabi, entre 6 et 7 millions de migrants afghans se trouveraient actuellement sur le sol iranien, un chiffre considérable et en constante augmentation.
La crise migratoire afghane, un défi majeur pour la région
Au-delà de ce drame humain à la frontière irako-iranienne, c’est toute la crise migratoire afghane qui se trouve une nouvelle fois sous le feu des projecteurs. Avec une situation sécuritaire et économique qui ne cesse de se dégrader en Afghanistan, de plus en plus d’Afghans n’ont d’autre choix que l’exil, au péril de leur vie. Une situation intenable pour les pays voisins comme l’Iran et le Pakistan, qui peinent à faire face à cet afflux massif malgré les moyens déployés pour verrouiller leurs frontières.
Face à l’ampleur de cette crise migratoire et humanitaire, la communauté internationale semble bien démunie. Si l’ONU et les ONG tirent régulièrement la sonnette d’alarme et appellent à l’aide, les réponses concrètes tardent à se mettre en place. Et ce sont les migrants eux-mêmes qui en paient le prix fort, pris au piège de frontières de plus en plus dangereuses et hostiles, comme l’illustre tragiquement ce nouveau drame à la frontière irako-iranienne. Un drame parmi tant d’autres, symbole d’une crise migratoire qui ne cesse de s’amplifier et de s’enliser, loin des regards et de l’attention du monde.