Après des décennies passées dans l’ombre d’Hassan Nasrallah, Naïm Qassem, 71 ans, prend la tête du Hezbollah, le puissant mouvement islamiste chiite libanais. Un nouveau chapitre s’ouvre pour cette organisation pro-iranienne en plein conflit dévastateur avec Israël.
De l’ombre à la lumière : le parcours de Naïm Qassem
Vétéran discret du Hezbollah, Naïm Qassem a accompagné l’essor du mouvement dès ses premières heures. Membre fondateur en 1982, il devient en 1991 secrétaire général adjoint aux côtés d’Hassan Nasrallah qui venait de prendre les rênes. Pendant près de trois décennies, les deux hommes ont façonné main dans la main le Hezbollah, devenu un acteur incontournable de la géopolitique moyen-orientale.
Érudit à la barbe blanche et au turban blanc distinctif du clergé chiite, Naïm Qassem maîtrise aussi bien les arcanes de la théologie que les rouages de la politique. Diplômé de chimie, il a d’abord enseigné avant de se consacrer à la cause du « Parti de Dieu », nom du Hezbollah en arabe. Marié et père de six enfants, il a publié de nombreux ouvrages sur la religion et la politique.
Un numéro deux omniprésent
Bras droit et porte-parole d’Hassan Nasrallah, Naïm Qassem était l’un des rares cadres du Hezbollah à s’afficher librement en public ces dernières années. Alors que le secrétaire général vivait retranché depuis la guerre de 2006 avec Israël, son adjoint multipliait les apparitions médiatiques et protocolaires. Il gérait les dossiers politiques, parlementaires et gouvernementaux pour le compte du mouvement.
Propulsé en première ligne face à Israël
Tout bascule le 27 septembre dernier. Hassan Nasrallah est tué dans une frappe israélienne ciblant la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah. Plusieurs autres hauts dirigeants du mouvement perdent la vie dans les bombardements qui pleuvent depuis un mois, bien décidé à terrasser son ennemi juré. Naïm Qassem se retrouve ainsi propulsé en première ligne.
Depuis, ses apparitions se font exclusivement par le biais d’allocutions pré-enregistrées diffusées par la chaîne Al-Manar du Hezbollah. À chaque fois, il martèle que les partisans sont « les fils de Nasrallah » et appelle Israël au cessez-le-feu, sans quoi les frappes s’abattront « partout » sur son territoire. Un changement de ton notable par rapport aux diatribes enflammées de son prédécesseur.
Les menaces ne nous arrêteront pas : nous sommes prêts à tous les scénarios militaires face à Israël.
Naïm Qassem lors des funérailles d’un haut commandant du Hezbollah fin septembre
Les défis d’une succession en temps de guerre
Succéder à une figure aussi charismatique et emblématique qu’Hassan Nasrallah n’est pas chose aisée, qui plus est en plein affrontement avec l’ennemi israélien. Le nouveau secrétaire général va devoir rapidement imposer son leadership et rassurer une base endeuillée par la perte de son chef et des milliers de morts dans les bombardements.
Mais Naïm Qassem dispose de solides atouts. Vétéran respecté, idéologue et stratège, il incarne la continuité au sein du Hezbollah. Son expérience et son réseau, tissé au fil des décennies aux plus hauts échelons de l’organisation et au-delà, seront des atouts précieux pour maintenir la cohésion du mouvement et ses alliances, en premier lieu avec l’Iran.
La nouvelle ère qui s’ouvre sera déterminante pour l’avenir du Hezbollah et plus largement pour les équilibres géopolitiques régionaux. Sous la houlette de Naïm Qassem, le mouvement va devoir s’adapter, se réinventer peut-être, sans son leader historique. Un défi colossal en temps de guerre. Mais comme le veut l’adage, « le roi est mort, vive le roi ! ». L’histoire du « Parti de Dieu » continue de s’écrire, une page se tourne…