C’est un déplacement présidentiel aux allures de renaissance diplomatique. Emmanuel Macron entame ce lundi 28 octobre une visite d’État de trois jours au Maroc, à l’invitation du roi Mohammed VI. Un séjour placé sous le signe du renouveau, après plusieurs années de relations en dents de scie entre Paris et Rabat.
Cette visite, la première d’un chef d’État français dans le royaume chérifien depuis 2013, « reflète la profondeur des relations bilatérales, fondées sur un partenariat enraciné et solide » avec une « volonté commune » de « raffermir les liens multidimensionnels unissant les deux pays », a souligné le cabinet royal dans un communiqué.
Un programme riche en symboles et en dossiers brûlants
Dès son arrivée à l’aéroport de Rabat, Emmanuel Macron sera accueilli en grandes pompes par le roi en personne, au son de 21 coups de canon. Les deux dirigeants rejoindront ensuite le palais royal pour un tête-à-tête. Au menu des discussions : de nombreux accords de coopération, notamment dans les domaines de l’énergie, de l’eau, de l’éducation et de la sécurité intérieure.
Mardi, un dîner d’État sera donné en l’honneur du couple présidentiel français. Le même jour, Emmanuel Macron prononcera une allocution devant le Parlement marocain et participera à un forum économique. La France est le premier investisseur étranger au Maroc, avec près de 1000 entreprises implantées.
L’immigration, pomme de discorde ces dernières années
Mais c’est surtout sur l’épineuse question migratoire que Paris et Rabat vont devoir s’entendre. Le nouveau ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau compte conditionner l’octroi des visas à une meilleure coopération des autorités marocaines dans la délivrance des laisser-passer consulaires, indispensables pour expulser les ressortissants en situation irrégulière.
Si vous ne nous délivrez pas plus de laissez-passer consulaires pour expulser vos ressortissants délinquants, de notre côté, nous délivrerons moins de visas à l’ensemble de vos ressortissants
Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur
Une menace déjà brandie en 2021 par son prédécesseur Gérald Darmanin, avant un rétropédalage face au tollé côté marocain. En 2023, la France a délivré 238 000 visas aux Marocains, pour seulement 1680 retours forcés sur leur sol.
Sahara occidental : un revirement français qui passe mal à Alger
L’autre sujet explosif concerne le statut du Sahara occidental, cette ex-colonie espagnole que se disputent depuis un demi-siècle le Maroc et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l’Algérie. Après la reconnaissance américaine de la « souveraineté » marocaine sur ce territoire, Rabat a accentué la pression sur Paris pour emboîter le pas.
Le 30 juillet dernier, Emmanuel Macron a fini par considérer que l’avenir du Sahara occidental passait par « une solution politique dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Une volte-face qui a ouvert la voie au réchauffement des relations avec le Maroc, mais provoqué l’ire d’Alger.
30 ans de liens à réinventer
Par cette visite d’envergure, Paris et Rabat veulent tourner la page de plusieurs années de brouille et s’engager dans « une nouvelle étape » de leur partenariat « pour les 30 prochaines années ».
Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron s’est rendu à deux reprises au Maroc, pour une visite de travail puis l’inauguration d’une ligne TGV. Mais les relations se sont progressivement dégradées sur fond de différends migratoires, sécuritaires et géopolitiques.
Rabat a notamment reproché à Paris son « deux poids, deux mesures » sur la question du Sahara occidental et son manque de soutien face aux « provocations » du voisin algérien. Un climax atteint en 2023 avec le rappel de l’ambassadeur marocain pour « consultations ».
En coulisses, les diplomates des deux pays ont œuvré pour recoller les morceaux. Cette visite d’État doit sceller la « réconciliation » franco-marocaine et ouvrir un nouveau chapitre de coopération, sur fond de défis régionaux et mondiaux croissants.
Au-delà des effets d’annonce, la relation Paris-Rabat à l’aube de cette visite reste un équilibre subtil, entre volonté de rapprochement et intérêts divergents. Emmanuel Macron parviendra-t-il, en 72 heures chrono, à poser les bases solides d’un partenariat d’avenir avec Mohammed VI ? Réponse au terme de ce déplacement scruté des deux côtés de la Méditerranée.