84% des Européens étaient favorables à la suppression du changement d’heure selon une consultation publique en 2018. Suite à ce plébiscite, les députés européens ont voté en mars 2019 la fin de cette mesure. Pourtant, en ce dernier weekend d’octobre 2024, nous passons une nouvelle fois à l’heure d’hiver. Alors, que s’est-il passé ? Le projet de supprimer le changement d’heure est-il définitivement enterré ?
Une mesure contestée mais toujours en vigueur
Instauré en 1976 en France dans un contexte de chocs pétroliers, le changement d’heure vise à faire des économies d’énergie en calant nos activités sur l’ensoleillement. Mais son efficacité est remise en question. Selon le Parlement européen, les gains se limiteraient à 0,5 à 2,5% de la consommation totale d’énergie, variant selon les pays. L’Agence de la transition écologique est plus optimiste, estimant les économies d’électricité à 440 GWh par an, soit la consommation de 800 000 ménages pour l’éclairage.
Au-delà de son impact énergétique discuté, le changement d’heure est aussi critiqué pour ses effets sur la santé, avec une perturbation temporaire des rythmes biologiques. Il complexifie également la vie des entreprises opérant à l’international. C’est dans ce contexte que la Commission européenne a proposé sa suppression, suite à une large consultation publique.
Le Parlement européen vote la fin du changement d’heure
En mars 2019, les députés européens se prononcent à une large majorité pour mettre fin à cette pratique dès 2021. Chaque pays serait alors libre de rester à l’heure d’hiver ou à l’heure d’été de façon permanente. Mais ce vote est mis entre parenthèses par une succession de crises : les négociations finales du Brexit, la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine… Autant de sujets prioritaires qui relèguent le dossier du changement d’heure au second plan.
La balle est dans le camp du Conseil. Il est réaliste de penser que le sujet va ressortir un jour des tiroirs.
Un porte-parole de la Commission européenne
Pourtant, le projet n’est pas totalement enterré. Il est actuellement en attente d’une position du Conseil de l’UE, qui réunit les ministres des États membres. Un fonctionnaire européen tempère toutefois : “Le Conseil n’a pas encore arrêté sa position”. Cela s’explique notamment par un point crucial qui reste en suspens : faut-il s’aligner sur l’heure d’été ou l’heure d’hiver ?
La crainte d’un patchwork de fuseaux horaires en Europe
Plusieurs États ont demandé une “étude d’impact” complémentaire afin d’éviter une mosaïque de fuseaux horaires qui perturberait le marché intérieur et compliquerait la vie des citoyens et des entreprises. Une crainte légitime car les préférences divergent :
- La France, le Portugal et Chypre optent pour l’heure d’été.
- La Finlande, le Danemark et les Pays-Bas préfèrent l’heure d’hiver.
Sans coordination, on pourrait aboutir à un découpage temporel de l’Europe, avec des pays voisins ayant jusqu’à 2 heures de décalage une partie de l’année. Cela compliquerait la vie des travailleurs transfrontaliers et des voyageurs. Les connexions de transports seraient aussi plus complexes à organiser. Il faut donc un consensus européen, pas une approche dispersée.
Un sujet qui pourrait revenir sur la table
Chaque pays assurant à tour de rôle la présidence tournante du Conseil de l’UE, l’un d’eux pourrait décider de remettre ce dossier à l’ordre du jour. La Hongrie, qui préside jusqu’à fin 2024, n’en a pas fait une priorité. Et la position de la Pologne, qui prendra la suite en janvier 2025, n’est pas encore connue.
Même si le changement d’heure reste en vigueur pour le moment en Europe, le débat n’est donc pas clos. Entre économies d’énergie contestées, impact sur les rythmes biologiques et crainte d’une fragmentation des horaires, les arguments pour y mettre fin ne manquent pas. Mais trouver un consensus européen sur le régime horaire à adopter de façon permanente s’avère complexe. L’heure tourne, mais le sujet divise encore.
Ainsi, il est fort probable que nous ayons encore à avancer et reculer nos montres pendant quelques années, le temps que l’Europe s’accorde sur ce dossier qui, bien que symbolique, cristallise de nombreux enjeux. Un véritable casse-tête pour les institutions européennes, tiraillées entre volonté d’harmonisation et respect des spécificités nationales. Le chemin vers la fin du changement d’heure s’annonce encore long et sinueux.