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Procès Historique : L’État Français Devant la Justice pour le Génocide des Tutsi

Un procès sans précédent s'ouvre à Paris. Des victimes du génocide des Tutsi au Rwanda demandent à la justice de condamner l'État français pour ses "fautes" entre 1990 et 1994. Une première action devant le tribunal administratif, après plusieurs échecs au pénal. Les requérants accusent la France de...

C’est un procès historique qui s’ouvre ce jeudi devant le Tribunal administratif de Paris. Une vingtaine de victimes du génocide des Tutsi au Rwanda, soutenues par deux associations, demandent à la justice de reconnaître la responsabilité de l’État français pour ses “fautes” commises entre 1990 et 1994.

Selon une source proche du dossier, il s’agit de la première action intentée devant la justice administrative, après plusieurs tentatives infructueuses au pénal. Les requérants espèrent ainsi faire condamner la France pour ce qu’ils considèrent comme “une série d’actes manifestement illégaux” au Rwanda durant cette sombre période.

Un soutien français “continu” aux extrémistes hutus

D’après les plaignants, non seulement l’État français n’a rien fait pour empêcher le génocide, mais il aurait apporté un soutien politique, diplomatique et militaire continu aux extrémistes hutus avant, pendant et après les massacres. Parmi les griefs soulevés, figure notamment le maintien du traité d’assistance militaire de 1975 avec un gouvernement rwandais qualifié de “génocidaire”.

Plusieurs hauts responsables de l’époque sont visés, dont l’ancien secrétaire général de l’Élysée Hubert Védrine et le chef d’état-major des armées, l’amiral Jacques Lanxade. Ce dernier est accusé d’avoir “outrepassé ses pouvoirs” et “modifié l’équilibre des pouvoirs au profit du militaire”.

L’opération Turquoise pointée du doigt

La controverse autour de l’opération Turquoise est également au cœur des débats. Lancée par la France en juin 1994, cette intervention militaro-humanitaire est soupçonnée d’avoir sciemment abandonné des civils tutsi aux mains des génocidaires. En octobre 2023, la justice pénale avait prononcé un non-lieu général dans ce volet, une décision contestée par les parties civiles qui ont fait appel.

Mais pour les juges, rien n’a établi la participation directe des forces françaises aux exactions, ni leur complicité par aide, assistance ou abstention. La Cour d’appel de Paris doit se prononcer sur ce point le 11 décembre prochain.

Le rapport Duclert, une pièce maîtresse

Pour étayer leurs accusations, les requérants s’appuient largement sur les conclusions du rapport de la commission Duclert. Basé sur l’analyse d’archives françaises, ce document accablant pointe les “responsabilités lourdes et accablantes” de la France dans le génocide, tout en écartant une complicité directe.

Un bilan humain effroyable qui soulève, près de 30 ans après, la question de la responsabilité de l’État français. C’est tout l’enjeu de ce procès inédit devant la justice administrative, qui devra déterminer si la France a commis des fautes et manquements dans son action au Rwanda entre 1990 et 1994.

Chronologie du génocide des Tutsi au Rwanda

  • 6 avril 1994 : Attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, déclenchant le génocide
  • Avril à juillet 1994 : Massacres systématiques de la minorité tutsi et des Hutus modérés
  • 22 juin 1994 : Début de l’opération Turquoise menée par la France
  • 4 juillet 1994 : Prise de Kigali par le Front patriotique rwandais (FPR) mettant fin au génocide
  • 21 août 1994 : Fin de l’opération Turquoise

Entre avril et juillet 1994, le génocide a fait plus de 800 000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi, selon l’ONU.

Au-delà de l’établissement des faits, c’est bien une reconnaissance officielle de la responsabilité de l’État français que les victimes espèrent obtenir à travers ce procès. Une étape cruciale dans leur combat pour la vérité et la justice, près de trois décennies après l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire.

Tous les regards sont désormais tournés vers le Tribunal administratif de Paris, qui devra se prononcer sur cette question aussi sensible que complexe. Sa décision, très attendue, pourrait marquer un tournant dans le long processus de reconnaissance et de réparation pour les rescapés du dernier génocide du XXe siècle.

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