Au cœur du palais de justice d’Avignon se joue un procès hors norme. Gisèle Pelicot, 71 ans, fait face à son ex-mari et 50 autres hommes accusés de l’avoir violée pendant des années alors qu’elle était droguée et inconsciente. Mais au-delà de son propre calvaire, cette femme courageuse est devenue une icône féministe déterminée à “changer cette société” face aux violences sexuelles faites aux femmes.
“Je suis une femme totalement détruite” mais debout
Malgré l’épreuve traversée, Gisèle Pelicot trouve la force de témoigner. Mercredi, devant le tribunal de Vaucluse qui juge ce dossier sordide des viols de Mazan, elle a lancé d’une voix claire : “Je suis une femme totalement détruite”. Pourtant, loin de se laisser abattre, elle affiche une volonté sans faille. En demandant la levée du huis clos, Mme Pelicot souhaite que son exemple encourage toutes les victimes de viol :
Je voulais que toutes les femmes qui sont victimes de viol se disent ‘Madame Pelicot l’a fait, on peut le faire’. Je ne veux plus qu’elles aient honte. La honte, ce n’est pas à nous de l’avoir, c’est à eux.
Un message fort, pour que la parole se libère. Car à travers son combat, Gisèle Pelicot porte celui de toutes les femmes brisées dans leur chair et leur âme. “J’exprime surtout ma volonté et détermination pour qu’on change cette société”, martèle celle qui est devenue malgré elle une figure de proue contre les violences sexuelles.
Un long chemin vers la reconstruction
Mais la route est encore longue pour cette septuagénaire meurtrie qui ne sait pas “comment se reconstruire” après un tel déferlement de violences. Pendant 10 ans, son mari l’a droguée aux anxiolytiques pour abuser d’elle et la livrer à des dizaines d’hommes contactés sur internet. Une descente aux enfers qu’elle a du mal à s’expliquer :
Je cherche à comprendre comment ce mari, qui était l’homme parfait, a pu en arriver là. Comment ma vie a pu basculer. (…) Personne n’a rien vu.
Face à cette “trahison incommensurable”, Gisèle Pelicot ne baisse pas les bras. Même si à “bientôt 72 ans”, elle ne sait pas si sa “vie suffira pour se relever”, elle continue à se battre pied à pied.
Briser la loi du silence
Dans ce procès fleuve prévu jusqu’au 20 décembre, les 51 accusés défilent à la barre. Beaucoup peinent à reconnaître l’avoir violée, invoquant la “peur”, l’envie de “faire plaisir” ou même “l’accident”. Des justifications inaudibles pour Gisèle Pelicot, qui refuse de voir son calvaire minimisé :
Ces hommes sont en train de me souiller. Ils souillent une femme inconsciente. (…) Pour moi il n’y a pas ‘viol et viol’. Ce sont des violeurs, ils violent, point.
Loin de se laisser impressionner, elle continue à suivre les audiences avec assiduité. Parfois, un rictus moqueur ou un haussement de sourcils trahit son agacement face aux explications sommaires des accusés. Mais elle tient bon, pour “que son exemple serve aux autres”. Car ce procès n’est pas seulement le sien :
C’est aussi celui de toutes les femmes et hommes victimes de viol.
Un combat de tous les instants pour cette grande dame qui veut faire tomber la loi du silence. Sous les applaudissements du public qui la soutient, elle avance avec détermination pour porter son message et celui des victimes qui subissent de telles atrocités dans l’ombre. Et espère, par sa voix, faire changer les mentalités et les lois pour endiguer ce fléau des violences sexuelles. Un défi immense, à la hauteur de son courage.