Le rugby français traverse une période trouble. Alors que deux jeunes internationaux des moins de 20 ans sont incarcérés en Argentine, soupçonnés d’un viol commis lors d’une soirée, une blague malvenue d’un de leurs entraîneurs sur les “succès en soirée” des troisièmes lignes a jeté un froid lors d’une conférence de presse.
L’affaire qui secoue le rugby tricolore
Oscar Jegou et Hugo Auradou, deux grands espoirs du rugby français, champions du monde des moins de 20 ans en titre, sont actuellement incarcérés à Mendoza en Argentine. Ils sont suspectés d’avoir violé une femme de 39 ans à l’issue d’une soirée arrosée. Des faits qu’ils contestent.
En droit argentin, un viol aggravé est passible de 20 ans de prison. Les auditions de témoins ont débuté. L’avocat des deux Français clame détenir des “preuves de leur innocence”. L’affaire n’en est qu’à ses débuts.
Une “blague” qui tombe mal
C’est dans ce contexte pesant que Philippe Boher, entraîneur adjoint des moins de 20 ans en charge de la défense, s’est fendu d’une blague pour le moins malvenue lors d’une conférence de presse précédant la finale de la Coupe du monde contre l’Angleterre :
Et puis en soirée, les troisièmes lignes ce sont toujours ceux qui ont le plus de succès. Vous pouvez y aller, c’est garanti.
Philippe Boher, entraîneur des U20
Des propos qui ont provoqué un malaise, d’autant que les deux joueurs incarcérés évoluent justement en troisième ligne. La référence aux “soirées” et au “succès” des joueurs à ce poste a sans nul doute fait tiquer plus d’un journaliste présent.
Un dérapage verbal révélateur
Au-delà de la maladresse et du contexte particulier, cette sortie questionne sur la persistance de certains clichés sexistes dans le milieu du rugby. Comme si le “succès” en soirée des joueurs, sous-entendu auprès des femmes, était un sujet de plaisanterie anodin et accepté par tous.
Elle met aussi en lumière les lacunes en termes de communication de crise. En plein scandale impliquant ses joueurs, on aurait pu attendre d’un entraîneur qu’il fasse preuve de plus de retenue et de mesure dans ses propos publics.
Cet écart de langage en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir au rugby, et au sport en général, pour se défaire de certaines caricatures machistes tenaces. Et ce alors même que les affaires de violences sexuelles impliquant des sportifs se multiplient ces dernières années, appelant à une profonde remise en question.
Le rugby en quête de valeurs
Sport de contact par excellence, le rugby a longtemps cultivé une image de virilité exacerbée, où les femmes avaient peu de place en dehors des rôles de supportrices ou de “récompenses” de troisième mi-temps. Une réputation sulfureuse encore renforcée par les fréquents dérapages lors des soirées de joueurs.
Mais à l’heure où le respect des femmes et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles sont (enfin) érigées en grande cause sociétale, le rugby ne peut plus se permettre ce type d’a priori graveleux. Les derniers scandales en date l’obligent à regarder en face ses démons et à opérer sa mue, sous peine de se couper du reste de la société.
Les initiatives se multiplient en ce sens, des campagnes de sensibilisation à la féminisation des instances en passant par un durcissement des sanctions internes. Mais le chemin sera long. La sortie maladroite de cet entraîneur le rappelle : pour que les mentalités évoluent, c’est toute la culture rugby qu’il faudra déconstruire et rebâtir sur des bases saines.
Sans quoi les scandales continueront d’éclabousser ce sport qui peine décidément à concilier performance et exemplarité. Et les blagues douteuses auront encore de beaux jours devant elles.