Imaginez une institution traditionnellement perçue comme un frein à l’innovation dans le monde des cryptomonnaies, qui commence soudainement à ouvrir des portes. C’est un peu ce qui s’est passé ces dernières années aux États-Unis, grâce à des figures discrètes mais influentes travaillant dans l’ombre des régulateurs. L’une d’elles vient de tirer sa révérence, laissant derrière elle un héritage qui pourrait bien marquer durablement le secteur des actifs numériques.
Cicely LaMothe : La Fin d’une Ère à la SEC
Le 29 décembre 2025, une annonce a fait du bruit dans les cercles spécialisés des cryptomonnaies. Cicely LaMothe, deputy director au sein de la Division of Corporation Finance de la SEC, a officialisé son départ à la retraite après plus de deux décennies de service. Cette nouvelle n’est pas anodine : elle symbolise potentiellement la fin d’une période plus conciliante envers les actifs numériques au sein de l’autorité de régulation américaine.
Son message d’adieu, empreint de gratitude, résume bien l’esprit de sa carrière : un engagement profond pour le service public, mêlé à une reconnaissance des défis complexes posés par les évolutions technologiques. Mais au-delà des mots, c’est son action concrète en faveur d’une approche plus nuancée des cryptos qui retient l’attention.
Un Parcours Exemplaire au Service de la Régulation
Cicely LaMothe n’est pas arrivée à la SEC par hasard. Diplômée en comptabilité d’une université reconnue, certifiée comptable publique, elle a d’abord fait ses armes dans le secteur privé pendant six ans. Des expériences variées, de la gestion de reporting financier dans une entreprise cotée à des missions au sein d’un grand cabinet d’audit, qui lui ont forgé une expertise solide.
Rejoignant la commission en 2002, elle a gravi les échelons avec constance. De directrice de programme pour les revues de divulgation à associate director, puis acting director de la Division of Corporation Finance entre fin 2024 et octobre 2025, son parcours illustre une ascension basée sur la compétence et la compréhension fine des mécanismes financiers.
Ce qui distingue particulièrement son mandat, c’est sa capacité à naviguer entre les exigences traditionnelles de protection des investisseurs et les réalités innovantes des technologies blockchain. Une équilibre délicat que peu de régulateurs ont su maintenir avec autant de pragmatisme.
Les Contributions Clés en Matière de Cryptomonnaies
L’année 2025 aura été particulièrement intense pour LaMothe en termes de guidance sur les actifs numériques. Au total, sept déclarations officielles du staff ont été publiées sous son impulsion, couvrant des sujets aussi variés que sensibles.
L’une des plus marquantes concerne les memecoins. Contrairement à une vision rigide qui aurait pu les classer systématiquement comme des titres financiers, la guidance a clarifié qu’un memecoin n’est pas automatiquement une security. Cette précision a ouvert la voie à des produits d’investissement innovants, facilitant notamment le dépôt de demandes pour des ETF liés à des tokens comme Dogecoin ou Bonk.
Une clarification cruciale qui a permis d’éviter une stigmatisation excessive des projets communautaires tout en maintenant les garde-fous nécessaires.
Autre domaine d’intervention majeur : le staking. La distinction établie entre staking custodial centralisé et staking non-custodial individuel a apporté une clarté bienvenue. Cette nuance reconnaît les différences fondamentales entre des modèles centralisés potentiellement risqués et des pratiques décentralisées plus alignées avec l’esprit originel des blockchains.
Enfin, ses travaux ont contribué à accélérer les processus d’approbation pour divers produits d’échange négociés (ETP) liés aux cryptos. Un assouplissement qui, à fin 2025, a permis une multiplication des offres accessibles aux investisseurs institutionnels et particuliers.
L’Idée d’un Bureau Dédié aux Actifs Crypto
Parmi les initiatives les plus structurantes portées par LaMothe figure la proposition de créer un Office of Crypto Assets au sein de la Division of Corporation Finance. L’objectif ? Centraliser l’expertise et optimiser les revues de dossiers spécifiques aux actifs numériques.
Cette idée répondait à un besoin croissant : les dépôts impliquant des cryptomonnaies devenaient de plus en plus complexes, nécessitant une compréhension technique pointue que les processus généraux peinaient à accommoder. Un tel bureau aurait permis une approche plus spécialisée, potentiellement plus rapide et plus cohérente.
Même si cette structure n’a pas encore vu le jour officiellement, l’initiative témoigne d’une vision prospective rare dans un environnement réglementaire souvent critiqué pour son conservatisme.
Un Contexte de Départs Multiples
Le départ de LaMothe ne s’inscrit pas dans le vide. Il s’accompagne d’autres mouvements significatifs parmi les figures pro-crypto des institutions américaines.
- Caroline Pham, qui a assuré l’intérim à la tête de la CFTC en 2025, rejoint le secteur privé en tant que directrice juridique d’une infrastructure crypto majeure.
- L’ancien chairman de la CFTC, connu pour ses plaidoyers en faveur d’une supervision élargie sur les marchés spot, a également quitté ses fonctions plus tôt dans l’année.
- Au Congrès, une sénatrice influente, porteuse du projet de réserve stratégique de Bitcoin, a annoncé ne pas briguer de nouveau mandat.
Ces départs simultanés soulèvent des questions légitimes. La dynamique favorable observée en 2025 risque-t-elle de s’essouffler ? Les initiatives pro-innovation vont-elles perdurer sans ces champions internes ?
Certains observateurs y voient un simple turnover naturel après une période intense. D’autres, plus pessimistes, craignent un retour à une approche plus restrictive, surtout si les priorités politiques évoluent.
Les Implications pour l’Industrie Crypto
L’héritage de LaMothe se mesure déjà concrètement. Les clarifications apportées ont permis une maturation du marché : plus de produits réglementés, une meilleure intégration institutionnelle, et une réduction des zones grises qui freinaient l’innovation.
Les ETF memecoins, par exemple, représentent une démocratisation inédite. Des actifs autrefois considérés comme purement spéculatifs accèdent désormais à des véhicules d’investissement traditionnels, attirant des capitaux nouveaux tout en offrant des protections aux investisseurs.
De même, la guidance sur le staking encourage le développement de modèles décentralisés, renforçant la résilience et la philosophie originelle des réseaux blockchain.
En résumé des principales guidances 2025 :
- Memecoins : pas automatiquement des securities
- Distinction staking custodial vs non-custodial
- Accélération approbations ETP crypto
- Application lois valeurs mobilières aux stablecoins
- Divulgations spécifiques pour mining crypto
Ces avancées ne sont pas anodines dans un contexte où les États-Unis cherchent à maintenir leur leadership technologique face à d’autres juridictions plus agressivement pro-crypto.
Vers Quelle Régulation Future ?
La grande question reste ouverte : qui prendra le relais ? La SEC parviendra-t-elle à institutionnaliser cette approche plus constructive, ou assisterons-nous à un retour de balancier ?
Plusieurs scénarios se dessinent. Une continuité est possible si les équipes restantes intègrent durablement ces principes. Mais un changement de direction politique pourrait tout remettre en question.
L’industrie, elle, continue d’évoluer rapidement. Les besoins en clarté réglementaire n’ont jamais été aussi pressants, avec l’émergence continue de nouvelles applications blockchain : DeFi mature, tokenisation d’actifs réels, intégration IA-blockchain…
Le départ de figures comme LaMothe rappelle une vérité simple : les avancées réglementaires dépendent souvent de personnes convaincues, capables de faire bouger les lignes de l’intérieur.
Un Héritage à Défendre
En définitive, Cicely LaMothe laisse derrière elle bien plus qu’un poste vacant. Elle transmet un modèle de régulation intelligente : protectrice sans être étouffante, technique sans être dogmatique.
Son action a démontré qu’il est possible de concilier innovation et sécurité, communauté crypto et investisseurs traditionnels. Un équilibre fragile que l’écosystème devra vigoureusement défendre dans les mois à venir.
Car si 2025 a marqué un tournant positif, rien n’est jamais acquis dans le monde de la régulation financière. L’histoire des cryptomonnaies nous l’a assez prouvé : les progrès d’aujourd’hui peuvent devenir les combats de demain.
Mais l’héritage est là, concret, dans les guidances publiées, les produits approuvés, les clarifications apportées. Il appartient désormais à la nouvelle génération de régulateurs, d’entrepreneurs et d’investisseurs de le faire vivre et de le faire grandir.
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