Et si la guerre en Ukraine se terminait par un marché que personne n’osait imaginer il y a encore quelques mois ?
Jeudi, Volodymyr Zelensky a lâché une phrase lourde de sens : les États-Unis continuent d’exiger de grandes concessions territoriales pour mettre fin au conflit. Parmi elles, le retrait des forces ukrainiennes des dernières portions du Donbass encore sous contrôle de Kiev. En clair, Washington pousse pour que l’Ukraine abandonne définitivement cette région martyre.
Un plan américain qui fait trembler Kiev
Depuis près de trois semaines, l’administration Trump travaille sur un document confidentiel censé clore quatre années de guerre. Ce plan a été transmis séparément à Moscou et à Kiev. Les Russes l’ont reçu la semaine dernière via l’émissaire Steve Witkoff. Les Ukrainiens, eux, ont rendu leur version modifiée après des discussions à Genève et en Floride.
Mais le cœur du projet reste inchangé : geler les lignes de front avec des concessions majeures côté ukrainien.
Le Donbass, pièce maîtresse du marchandage
La région de Donetsk concentre aujourd’hui l’essentiel des combats. Plus de 80 % de son territoire est déjà aux mains russes. Selon les déclarations de Zelensky, Washington envisage que les forces ukrainiennes se retirent des dernières zones qu’elles contrôlent encore.
En échange ? Cette portion deviendrait une zone démilitarisée ou une zone économique libre. Un statut flou qui, dans les faits, offrirait au Kremlin la maîtrise totale du Donbass sans avoir à conquérir les derniers kilomètres au prix fort.
La région voisine de Lougansk, presque entièrement occupée, suivrait le même chemin. Moscou considère ces deux territoires comme annexés depuis 2022. Le plan américain semble prêt à entériner cette réalité sur le terrain.
Zaporijjia, l’autre point de blocage critique
Seconde épine dans le dossier : la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, occupée par les forces russes depuis mars 2022.
Zelensky a confirmé que le statut de cette installation reste l’un des deux sujets majeurs encore en discussion. Les Américains voudraient manifestement une solution qui évite une reprise des combats autour du site, même si cela signifie accepter la présence russe durable.
« Washington voit les forces ukrainiennes se retirer » du Donbass »
Volodymyr Zelensky, le 11 décembre 2025
Ce que l’Ukraine pourrait obtenir… ou pas
En contrepartie de ces abandons, l’armée russe se retirerait des zones qu’elle occupe dans les régions de Soumy, Kharkiv et Dnipropetrovsk. Des territoires situés plus au nord et au centre-est, moins stratégiques pour Moscou.
En revanche, les Russes conserveraient leurs positions dans les régions de Kherson et Zaporijjia, au sud. Autrement dit, l’accès à la mer d’Azov et une large partie de la côte resterait sous contrôle russe.
Résumé des échanges territoriaux envisagés :
- Ukraine cède définitivement le Donbass (Donetsk + Lougansk)
- Retrait ukrainien des dernières poches de résistance à Donetsk
- Zone démilitarisée ou économique spéciale dans l’est
- Russie rend Soumy, Kharkiv, Dnipropetrovsk (partiellement)
- Russie conserve Kherson et Zaporijjia (sud)
Trump perd patience
De l’autre côté de l’Atlantique, l’impatience est palpable. La porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, n’a pas mâché ses mots :
« Le président est extrêmement frustré par les deux camps. Il en a assez des réunions qui n’ont d’autre but que de se réunir. Il veut des actes. Il veut que cette guerre prenne fin. »
Un message clair : plus de discussions interminables. Donald Trump veut un accord rapide, même imparfait.
Le piège du référendum
Zelensky sait qu’il marche sur un fil. Céder du territoire sans consultation populaire serait suicidaire politiquement. Il a donc répété qu’une élection ou un référendum serait incontournable pour valider tout accord territorial.
Mardi, il s’était même dit prêt à organiser une présidentielle anticipée si les États-Unis et les Européens garantissaient la sécurité du scrutin. Une manière de partager la responsabilité d’une décision explosive.
Un contexte ukrainien explosif
Sur le terrain, la situation se dégrade rapidement. L’armée ukrainienne recule dans le long de l’axe Donetsk. Moscou revendique la prise de Siversk, verrou stratégique vers Kramatorsk et Sloviansk, même si Kiev minimise en parlant d’« infiltrations ».
À Kiev, un scandale de corruption massif éclabousse l’entourage proche de Zelensky. La population subit des coupures de courant massives après les frappes russes sur le réseau électrique. Et jeudi, deux engins piégés ont explosé dans la capitale, tuant un garde national.
Autant de signaux qui fragilisent la position de négociation ukrainienne.
L’Europe suit de loin
Jeudi, les 27 pays de l’Union européenne ont prolongé les sanctions contre la Russie, ouvrant la voie à une utilisation plus large des avoirs gelés russes pour aider l’Ukraine. Un geste positif, mais qui ne change rien à la réalité militaire.
La « coalition des volontaires » pro-Kiev s’est réunie en visioconférence pour discuter du plan américain. Le Royaume-Uni a qualifié ce moment de « charnière pour la sécurité euro-atlantique ». Des mots forts, mais peu d’engagements concrets.
Que va choisir Zelensky ?
Le président ukrainien se retrouve devant un dilemme historique. Accepter les exigences américaines, c’est sauver des vies et peut-être obtenir des garanties de sécurité, mais au prix d’une amputation territoriale définitive.
Refuser, c’est risquer de perdre le soutien américain à un moment où Trump semble prêt à tourner la page, quel qu’en soit le coût pour Kiev.
Entre les frappes russes qui s’intensifient, la fatigue de la population et la pression de Washington, le temps joue contre l’Ukraine. Et l’histoire retient rarement le nom de ceux qui ont dit non à la paix, même injuste.
Le prochain mois sera décisif. Peut-être le plus décisif depuis février 2022.
Une chose est sûre : quel que soit l’accord final, il redessinera la carte de l’Europe pour des décennies.









