Imaginez une salle de théâtre comble, les applaudissements qui fusent, les regards admiratifs posés sur un homme charismatique qui salue depuis la scène. Et puis, des années plus tard, le rideau tombe brutalement sur une tout autre réalité : celle d’accusations gravissimes qui ébranlent jusqu’à l’image même du spectacle vivant.
Un nouveau chapitre judiciaire particulièrement lourd
Le 24 novembre dernier, le comédien français Philippe Caubère, âgé de 75 ans, a été mis en examen pour proxénétisme aggravé. Cette nouvelle inculpation s’ajoute à un dossier déjà extrêmement chargé puisqu’il était déjà poursuivi pour viols, agressions sexuelles et corruption de mineurs sur plusieurs jeunes filles.
Le parquet de Créteil a confirmé l’information sans donner davantage de détails, mais les éléments qui filtrent sont accablants. Selon les investigations en cours, Philippe Caubère aurait contraint l’une de ses victimes à se prostituer auprès de plusieurs centaines d’hommes sur une longue période.
Des faits qui s’étalent sur plus d’une décennie
Les premières plaintes remontent à plusieurs années. L’une des victimes affirme avoir subi des viols répétés entre 2010 et 2019. Une autre parle de faits survenus en 2012 alors qu’elle n’avait que 16 ans. Une troisième jeune femme évoque des actes de corruption de mineure entre 2019 et 2021.
Philippe Caubère a reconnu une relation intime de quatre mois avec la mineure de 16 ans en 2012, tout en assurant qu’elle était consentie. Un argument qui, à ce stade, n’a pas convaincu la justice puisque les mises en examen pour viol et corruption de mineure ont été maintenues.
Mais c’est surtout l’accusation de proxénétisme qui glace le sang. Les enquêteurs soupçonneraient l’acteur d’avoir organisé, pendant des années, des rencontres tarifées impliquant l’une des plaignantes, parfois en sa présence. Certaines victimes ont décrit des scènes où il aurait regardé, photographié, voire dirigé les actes.
Une plainte initiale classée, puis rouverte
En 2018, une première plainte pour viol avait été déposée. À l’époque, le parquet avait classé l’affaire sans suite, estimant qu’aucun élément ne permettait de remettre en cause le consentement. Quelques années plus tard, de nouvelles victimes se manifestent et le dossier est rouvert avec une tout autre ampleur.
Plus troublant encore : l’ancienne avocate de Philippe Caubère, Me Marie Dosé, a elle-même été mise en examen en octobre dernier pour soustraction de preuves. Elle est soupçonnée d’avoir fait disparaître un ordinateur personnel du comédien qui contenait potentiellement des éléments compromettants.
Un milieu théâtral sous le choc
Philippe Caubère était une figure respectée du théâtre français. Connu pour ses one-man-shows autobiographiques, il incarnait une certaine liberté de parole et une forme d’authenticité brute. Voir cet artiste aujourd’hui accusé de tels actes crée une onde de choc dans le milieu culturel.
Beaucoup se souviennent de ses spectacles où il parlait sans filtre de sexualité, de désir, de transgression. Certains y voyaient une forme de provocation artistique. D’autres, aujourd’hui, y rétrospectivement des signaux inquiétants.
Le théâtre, lieu de vérité et de mise à nu, se retrouve confronté à ses propres zones d’ombre. L’affaire Caubère s’inscrit dans une série de scandales qui, depuis #MeToo, secouent le spectacle vivant français et obligent chacun à reposer la question du rapport de pouvoir entre artistes confirmés et jeunes comédiennes en devenir.
La parole des victimes enfin prise au sérieux ?
Ce qui frappe dans ce dossier, c’est la répétition des faits sur une longue période et le nombre de victimes présumées. Longtemps, certaines plaintes avaient été minimisées ou classées. Aujourd’hui, la justice semble prendre une toute autre mesure de la gravité des accusations.
Les enquêteurs travaillent désormais sur un faisceau d’indices concordants : témoignages, échanges écrits, éléments matériels. Même si Philippe Caubère bénéficie toujours de la présomption d’innocence, l’accumulation des charges rend la situation particulièrement délicate.
L’avocate actuelle du comédien, Me Fanny Colin, n’a pas souhaité commenter cette nouvelle mise en examen. Un silence qui en dit long sur la complexité du dossier.
Vers un procès retentissant ?
À ce stade, rien n’indique quand l’affaire pourrait être jugée. Mais une chose est sûre : lorsqu’elle arrivera devant une cour d’assises, elle risque de marquer durablement les esprits. Entre la personnalité de l’accusé, la gravité des faits reprochés et le contexte post #MeToo, tous les ingrédients d’un procès hors norme sont réunis.
En attendant, la lumière crue des projecteurs judiciaires continue d’éclairer les coulisses d’un monde artistique qui, comme tant d’autres, doit aujourd’hui regarder en face ses dérives passées.
Une affaire qui nous rappelle, une fois de plus, que le talent ne protège ni de la faute ni de la loi. Et que la parole des victimes, même tardive, finit toujours par trouver un écho.









