Et si le stablecoin le plus utilisé au monde venait de franchir la frontière ultime entre la finance traditionnelle et la blockchain ? Le 10 décembre 2025, Abu Dhabi a officiellement reconnu l’USDT de Tether comme un « Accepted Fiat-Referenced Token » (AFRT) sur neuf blockchains différentes. Ce n’est pas une simple ligne dans un communiqué : c’est peut-être le signal le plus fort jamais envoyé par un grand centre financier au reste du monde crypto.
Abu Dhabi valide l’USDT sur neuf blockchains majeures
Dans le silence feutré des salles de trading du Moyen-Orient, quelque chose de considérable vient de se produire. L’Autorité de régulation des services financiers (FSRA) de l’Abu Dhabi Global Market (ADGM) a étendu le statut AFRT de l’USDT à Aptos, Celo, Cosmos, Kaia, Near, Polkadot, Tezos, TON et TRON. Après Ethereum, Solana et Avalanche déjà approuvées précédemment, cela porte à douze le nombre de réseaux où l’USDT est désormais considéré comme un actif parfaitement légal pour les institutions régulées.
Concrètement ? Une banque, un fonds d’investissement ou une fintech licenciée à ADGM peut désormais proposer la garde, le règlement ou même l’émission de produits basés sur USDT sur tous ces réseaux, sans sortir du cadre réglementaire. C’est du jamais-vu à cette échelle.
Qu’est-ce que le statut AFRT change vraiment ?
Le terme « Accepted Fiat-Referenced Token » n’est pas un simple label marketing. C’est une catégorie juridique créée spécifiquement par ADGM pour encadrer les stablecoins adossés à des monnaies fiat. Pour obtenir ce statut, Tether a dû démontrer :
- Une transparence totale des réserves
- Des audits réguliers indépendants
- Des mécanismes de redemption clairs
- Une conformité aux règles anti-blanchiment (AML) et KYC
- Une résilience technique sur chaque blockchain concernée
En échange, les institutions régulées obtiennent la certitude juridique qu’elles peuvent manipuler l’USDT sans risquer de violer les règles prudentielles. C’est l’équivalent, pour le monde crypto, d’un « visa d’or » délivré par l’un des centres financiers les plus ambitieux de la planète.
Pourquoi Abu Dhabi et pas ailleurs ?
Depuis 2018, les Émirats arabes unis ont fait du développement de la blockchain une priorité nationale. L’objectif est clair : devenir dans les dix prochaines années ce que Singapour est à l’Asie en matière de finance digitale. ADGM, avec son cadre juridique de common law et sa fiscalité avantageuse, s’est imposé comme le laboratoire parfait.
Le choix des neuf blockchains n’est pas anodin non plus. On y trouve :
- TON – le réseau Telegram qui compte déjà plus de 900 millions d’utilisateurs potentiels
- TRON – leader incontesté de l’USDT hors Ethereum (plus de 60 % de l’offre totale y circule)
- Aptos et Near – les blockchains de nouvelle génération ultra-rapides
- Celo – spécialisée dans les paiements mobiles en Afrique et Amérique latine
- Polkadot et Cosmos – les champions de l’interopérabilité
En validant ces réseaux, Abu Dhabi envoie un message : peu importe la technologie, tant qu’elle est solide et que l’actif est fiable, elle a sa place dans le système financier régulé.
« Les Émirats continuent de fixer la norme mondiale en matière de régulation des actifs numériques. Tether est fier de contribuer à cette vision. »
Paolo Ardoino, CEO de Tether
Les conséquences concrètes pour le marché
Derrière les communiqués officiels, les professionnels commencent déjà à anticiper les effets de domino.
1. Explosion de la liquidité institutionnelle
Les family offices du Golfe, qui gèrent des milliers de milliards de dollars, vont pouvoir investir massivement dans l’USDT sans crainte réglementaire. On parle potentiellement de dizaines de milliards de dollars qui pourraient entrer sur ces neuf blockchains dans les prochains trimestres.
2. Nouveau standard pour les paiements transfrontaliers
Une entreprise basée à Dubaï pourra désormais régler un fournisseur en Asie via USDT sur TON ou TRON en quelques secondes, avec la certitude que la transaction est légale des deux côtés.
3. Effet de légitimité sur les blockchains alternatives
Jusqu’à présent, Ethereum et dans une moindre mesure Solana captaient l’essentiel de l’attention institutionnelle. Cette décision place soudainement Aptos, Near ou Kaia sur la carte des investisseurs sérieux.
4. Pression accrue sur les régulateurs occidentaux
Quand un centre financier aussi prestigieux qu’Abu Dhabi accepte officiellement l’USDT sur TON (le réseau créé par Pavel Durov), il devient beaucoup plus difficile pour l’Europe ou les États-Unis de maintenir une position purement répressive.
Et Tether dans tout ça ?
Avec plus de 186 milliards de dollars de capitalisation, l’USDT représente déjà plus de 70 % du marché des stablecoins. Cette reconnaissance à Abu Dhabi conforte sa position de leader incontesté, mais elle va plus loin.
Paolo Ardoino ne cache pas son ambition : faire de l’USDT l’épine dorsale des paiements numériques mondiaux, y compris dans les pays émergents. En s’associant à des juridictions comme les Émirats, Tether se positionne comme le partenaire privilégié des États qui veulent moderniser leur système financier sans passer par le dollar traditionnel.
On assiste peut-être à la naissance d’une nouvelle forme de « pétrodollar numérique » : un dollar privé, émis par une entreprise basée aux Îles Vierges britanniques, mais béni par l’un des plus grands producteurs de pétrole de la planète.
Ce que cela signifie pour vous, investisseur ou utilisateur
Si vous détenez de l’USDT sur TRON ou TON, cette nouvelle ne change rien à votre quotidien… pour l’instant. Mais elle augmente considérablement la valeur fondamentale de vos tokens.
Quand les institutions du Golfe commenceront à accumuler des centaines de millions (voire des milliards) d’USDT sur ces réseaux, la liquidité va exploser. Les spreads vont se resserrer. Les services (lending, staking, yield) vont se multiplier. Et surtout, le risque réglementaire global sur ces blockchains va diminuer drastiquement.
En résumé : vous venez de gagner en sécurité sans rien faire.
Et demain ?
Les observateurs attentifs notent déjà des discussions avancées avec d’autres centres financiers de la région. Bahreïn, l’Arabie saoudite et même le Qatar suivent le dossier de très près. Si l’expérience d’Abu Dhabi est concluante, on pourrait assister dans les 24 prochains mois à une adoption régionale massive des stablecoins réglementés.
Et quand on sait que les Émirats prévoient de faire transiter 20 % de leur économie par la blockchain d’ici 2030… on commence à comprendre l’ampleur du mouvement.
Le 10 décembre 2025 ne sera peut-être pas seulement la date d’un communiqué de presse. Ce pourrait être le jour où le Moyen-Orient a officiellement ouvert la porte à la prochaine phase de la finance mondiale : celle où les stablecoins deviennent des actifs aussi banals que les obligations d’État.
Et quelque part, dans les tours d’Abu Dhabi qui brillent sous le soleil du désert, l’avenir des paiements vient peut-être de changer de visage.
L’USDT n’est plus seulement le roi des stablecoins.
Désormais, il a aussi un passeport officiel dans l’un des centres financiers les plus puissants du monde.
Le compte à rebours est lancé. La prochaine fois que vous transférerez quelques USDT sur TON ou TRON, souvenez-vous qu’un fonds souverain du Golfe fait peut-être exactement la même chose, à quelques kilomètres de là, dans le plus grand respect des règles.
La finance décentralisée n’a jamais été aussi proche de la finance traditionnelle. Et cette fois, c’est la finance traditionnelle qui fait le premier pas.
