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Sri Lanka : Après le Cyclone Ditwah, la Lutte Quotidienne pour se Soigner

Dès 4 heures du matin, ils sont des centaines à faire la queue devant un camp médical d’urgence à Chilaw. Le cyclone Ditwah a tout ravagé et les hôpitaux sont encore inondés. Comment les Sri-Lankais tentent-ils de survivre à cette catastrophe historique ?

Il est à peine quatre heures du matin et déjà, dans l’obscurité tiède de Chilaw, une file d’ombres patientes s’allonge devant les tentes blanches d’un camp médical d’urgence. Deux semaines après le passage du cyclone Ditwah, le plus violent qu’ait connu le Sri Lanka depuis le début du siècle, la souffrance n’a pas pris de pause. Elle s’est simplement déplacée : des toitures arrachées aux corps abîmés, des maisons inondées aux infections qui s’installent.

Une catastrophe qui a touché un habitant sur dix

Fin novembre, Ditwah a balayé l’île avec une brutalité rare. Le bilan officiel fait état d’au moins 638 morts, mais surtout de plus de deux millions de personnes affectées, soit près de 10 % de la population totale du pays. Des villages entiers rayés de la carte, des routes coupées, des hôpitaux submergés par les eaux : le Sri Lanka, déjà fragilisé par des années de crise économique, se retrouve à genoux.

À Chilaw, sur la côte ouest, l’hôpital public principal vient seulement de rouvrir partiellement ses portes. Les couloirs sentent encore l’humidité et la boue. Les équipements électroniques, endommagés, fonctionnent au ralenti. C’est dans ce vide sanitaire que s’est installé un camp médical d’urgence financé et géré par des humanitaires japonais.

4 h du matin pour espérer être soigné

Prasantha Perera, charpentier de 60 ans, connaît la chanson. La veille, il a patienté des heures pour rien. Cette fois, il a décidé d’être le premier. À 4 h précises, il pose son sac sur le sol poussiéreux et attend. Un éclat de bois s’est fiché dans son pied lors du nettoyage de sa maison inondée par 1,5 mètre d’eau. Impossible de travailler, impossible de reconstruire tant que la plaie n’est pas soignée.

Quand les portes s’ouvrent enfin, il est le premier à entrer, le premier à ressortir avec des antibiotiques et un pansement propre. « Maintenant je peux commencer à nettoyer », souffle-t-il, un sourire fatigué aux lèvres. Derrière lui, la file n’a fait que s’allonger.

« Je reviendrai demain à l’aube, encore plus tôt s’il le faut »

Eva Kumari, 51 ans, renvoyée car la limite quotidienne de 150 patients était déjà atteinte

150 patients par jour : une goutte d’eau dans l’océan des besoins

Le camp peut accueillir 150 personnes chaque jour. Pas une de plus. Les médecins, infirmiers et traducteurs japonais, secondés par un moine bouddhiste parlant couramment le cinghalais, font des miracles avec le matériel qu’ils ont apporté : générateurs, trousses stériles, médicaments anti-infectieux. Mais la demande explose.

Les pathologies les plus fréquentes ? Infections cutanées liées à l’eau stagnante, eczéma aggravé par l’humidité, troubles respiratoires dus à la moisissure, et surtout les maladies vectorielles : la dengue et le chikungunya profitent du chaos pour se propager à toute vitesse.

Le professeur Taketo Kurozumi, spécialiste japonais de la médecine de catastrophe, observe la situation avec gravité : « Les chiffres augmentent chaque jour. Nous voyons de plus en plus de cas graves chez les enfants et les personnes âgées. »

Un système de santé déjà fragile mis à rude épreuve

Avant même Ditwah, le système de santé sri-lankais fonctionnait sous tension permanente. Files d’attente interminables, manque chronique de médicaments, personnel épuisé : la crise économique de 2022 avait déjà vidé les pharmacies et poussé des milliers de médecins à l’exil.

Le cyclone n’a fait qu’aggraver une situation déjà critique. À Chilaw, le directeur adjoint de l’hôpital public, Dinesh Koggalage, avoue que son établissement ne tourne encore qu’à 40 % de ses capacités. Les blocs opératoires sont hors service, les réserves de sang presque épuisées.

Dans ce contexte, chaque camp d’urgence devient une bouffée d’oxygène. Les patients y reçoivent une attention rare : les médecins prennent le temps d’écouter, d’examiner, de poser les bonnes questions. Un luxe que le système public, même en temps normal, peine à offrir.

L’aide japonaise, modèle d’efficacité discrète

L’équipe de 31 personnes déployée par la Jica (Agence japonaise de coopération internationale) est arrivée moins d’une semaine après la catastrophe, à la demande expresse du gouvernement sri-lankais. Tout est pensé pour l’autonomie : tentes climatisées, groupes électrogènes silencieux, chaîne de froid pour les vaccins et les antibiotiques.

Seize traducteurs accompagnent les médecins pour éviter tout malentendu. Parmi eux, un moine japonais résidant sur l’île depuis quinze ans, dont le cinghalais impeccable rassure immédiatement les patients. « La confiance, c’est déjà 50 % du soin », confie-t-il entre deux consultations.

Et après ? La longue route de la reconstruction

Le président Anura Kumara Dissanayake l’a répété : Ditwah est la pire catastrophe naturelle qu’ait connue le pays ces dernières décennies. Un appel à l’aide internationale a été lancé pour financer non seulement les soins d’urgence, mais surtout la reconstruction des infrastructures vitales.

Sur le terrain, la solidarité s’organise. Des associations locales distribuent de l’eau potable et des moustiquaires. Des jeunes volontaires aident les personnes âgées à vider leurs maisons de la boue. Mais chacun sait que les prochains mois seront rudes : saison des pluies qui menace de reprendre, risque épidémique élevé, économie déjà exsangue.

À l’entrée du camp médical de Chilaw, la file continue de grandir chaque matin. Les visages sont fatigués, parfois résignés, mais personne ne baisse les bras. Parce qu’après la tempête, il faut bien continuer à vivre. Un pansement après l’autre. Un jour après l’autre.

Et demain, comme Prasantha et Eva, ils seront encore là dès l’aube. Parce qu’espérer être soigné, c’est déjà un peu guérir.

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