ActualitésInternational

RDC : Combats Acharnés au Sud-Kivu Malgré l’Accord de Paix

Une vingtaine de blessés, dont sept enfants, évacués sous les bombes au Sud-Kivu. Un accord de paix tout juste signé à Washington… et déjà ignoré sur le terrain. Jusqu’où cette guerre va-t-elle s’étendre ?

Imaginez une mère courant pieds nus sur une route défoncée, son enfant blessé dans les bras, tandis que les tirs d’artillerie résonnent derrière elle. Cette scène n’est pas tirée d’un film. Elle se déroule en ce moment même au Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo.

Un accord de paix signé… et immédiatement violé

Jeudi dernier, à Washington, le président Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame ont solennellement ratifié un accord censé ramener la paix dans l’est congolais. Un texte déjà négocié en juin, présenté comme historique. Moins de 72 heures plus tard, les armes parlent plus fort que jamais.

Depuis lundi, les combats ont repris de plus belle dans le Sud-Kivu. Les lignes de front se déplacent rapidement, les populations fuient par milliers, et les hôpitaux débordent de blessés. L’accord ? Un simple bout de papier que personne, sur le terrain, ne semble vouloir respecter.

Luvungi tombe, Uvira menacée

Le point chaud du moment s’appelle Luvungi. Cette localité stratégique, à une soixantaine de kilomètres au nord d’Uvira, est passée sous contrôle du M23 dans la nuit de samedi à dimanche. Une source militaire congolaise, sous couvert d’anonymat, affirme pourtant : « Nous allons reprendre cette localité. »

Uvira, dernière grande ville du Sud-Kivu encore aux mains du gouvernement, se retrouve désormais en première ligne. Face à elle, de l’autre côté du lac Tanganyika, on aperçoit les lumières de Bujumbura, la capitale économique du Burundi. La guerre est si proche qu’on pourrait presque la toucher.

« Des hommes, des femmes et des enfants se retrouvent piégés par les combats, sur plusieurs lignes de front. Certains sont restés terrés dans leurs maisons pendant plusieurs jours. »

Djibril Mamadou Diallo, chef du bureau CICR à Uvira

Vingt-et-un blessés évacués, dont sept enfants

Entre samedi et dimanche, le Comité international de la Croix-Rouge a réussi l’évacuation de vingt-et-une personnes blessées vers l’hôpital d’Uvira. Parmi elles, sept enfants. Des chiffres froids qui cachent des histoires déchirantes.

Ballés perdues, éclats d’obus, maisons effondrées : les civils paient le prix fort d’une guerre qui dure depuis trente ans. La région, riche en coltan, or et diamants, attire tous les appétits. Et les populations locales, elles, n’ont que leurs jambes pour fuir.

Le CICR alerte sur une « forte dégradation de la situation humanitaire » et parle de déplacements massifs de population. Des milliers de personnes dorment désormais à la belle étoile ou dans des écoles transformées en camps de fortune.

Le soutien rwandais au M23, secret de polichinelle

Personne ne s’en cache plus du soutien apporté par Kigali au mouvement M23. Des rapports de l’ONU, des témoignages, des photos satellite : tout pointe dans la même direction. Pourtant, le Rwanda continue de nier officiellement toute implication.

Ce déni devient presque comique quand on sait que les rebelles du M23, après avoir pris Goma en janvier et Bukavu en février, se sont offert une pause de plusieurs mois… avant de reprendre leur progression exactement là où ils s’étaient arrêtés.

Coïncidence ? Difficile à croire.

Le Burundi dans la danse, risque d’embrasement régional

Face à l’avancée du M23, l’armée congolaise peut compter sur un allié de poids : des milliers de soldats burundais déployés depuis octobre 2023 dans le cadre d’un accord bilatéral. Mais cette présence a un coût.

Depuis lundi, au moins vingt militaires burundais ont été tués dans les combats. Des pertes qui font grincer des dents à Bujumbura et qui rappellent les avertissements lancés dès janvier par le président Evariste Ndayishimiye : cette guerre pourrait devenir régionale.

L’ONU partage cette crainte. Et pour cause : on retrouve dans l’est congolais des combattants rwandais, burundais, ougandais par le passé, et même des mercenaires étrangers. Les ingrédients d’un conflit à grande échelle sont réunis.

Alerte humanitaire
La situation au Sud-Kivu est en train de basculer. Routes coupées, marchés vides, écoles fermées. Sans cessez-le-feu immédiat, des dizaines de milliers de personnes risquent de se retrouver sans rien.

Trente ans de guerre, zéro leçon apprise

L’est de la RDC souffre depuis les années 1990. Génocide rwandais, guerres du Congo, rébellions à répétition… Le cycle semble sans fin. Chaque nouvelle génération grandit avec le bruit des kalachnikovs pour berceuse.

Les ressources du sous-sol attirent les convoitises. Les frontières poreuses facilitent les trafics. Les États voisins préfèrent souvent jouer leur propre partition plutôt que de chercher une paix durable.

Résultat : des millions de morts en trois décennies, selon certaines estimations, et des millions de déplacés. Un désastre humain que le monde regarde avec une indifférence presque résignée.

Et maintenant ?

L’accord de Washington avait fait naître un mince espoir. Il est déjà piétiné. Les combats continuent, les civils continuent de payer l’addition, et la communauté internationale continue… d’appeler au calme.

Tant que les intérêts économiques primeront sur les vies humaines, tant que les armes continueront d’affluer, tant que les responsables ne seront pas tenus de rendre des comptes, cette guerre aura encore de beaux jours devant elle.

Pendant ce temps, à Luvungi, Uvira, et dans des dizaines d’autres villages dont on ne parle jamais, des enfants continuent de mourir parce qu’ils sont nés au mauvais endroit.

Il est temps que ça change. Vraiment.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.