Et si deux pays frères, séparés par des années de méfiance, décidaient soudain de tourner la page ? C’est exactement ce qui semble se dessiner entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, deux nations liées par l’histoire, la géographie et des millions de familles mélangées.
Un vent nouveau souffle sur la frontière ouest-africaine
Samedi dernier, un événement discret mais lourd de sens a eu lieu à Ouagadougou. Le ministre burkinabè Karamoko Jean Marie Traoré a reçu son homologue ivoirien Adama Dosso. Au menu : pas de discours guerriers, mais une volonté affichée de retrouver les « relations historiques » qui unissaient autrefois les deux peuples.
Dans un communiqué officiel, le ministère burkinabè parle d’un « engagement constant » pour une coopération régionale apaisée. Des mots choisis, presque tendres, qui contrastent avec les accusations répétées de déstabilisation lancées ces trois dernières années.
Une frontière de 600 km, source de tous les malentendus
Entre les deux pays, la ligne frontalière s’étire sur près de 600 kilomètres. Une zone souvent mal délimitée, parfois poreuse, où les patrouilles se croisent et où les arrestations se multiplient.
Fin août, six fonctionnaires ivoiriens ont été arrêtés au Burkina. Ouagadougou les accuse d’espionnage. Abidjan crie à l’erreur judiciaire. Le dossier reste ouvert et pèse lourd dans les discussions actuelles.
Plus tôt dans l’année, un influenceur burkinabè très suivi, connu pour son soutien à la junte, a été retrouvé mort dans une gendarmerie ivoirienne. Officiellement arrêté pour « intelligence avec un État étranger ». L’affaire a profondément choqué l’opinion publique à Ouagadougou.
« Nous nous sommes parlé en frères, avec ouverture et sincérité. Je pense que nous avons posé un pas important qui doit être approfondi. »
Karamoko Jean Marie Traoré, ministre burkinabè des Affaires étrangères
« Deux poumons d’un même corps » : la métaphore qui résume tout
Adama Dosso, le ministre ivoirien, n’a pas mâché ses mots. Il a décrit les deux pays comme « deux poumons d’un même corps économique et social ». Une image forte qui rappelle à quel point les destins sont liés.
Des centaines de milliers de Burkinabè vivent en Côte d’Ivoire. Près de 70 000 ont fui les violences jihadistes ces dernières années et trouvé refuge chez le voisin du sud. Dans la seule région du Bounkani, on compte déjà 35 000 déplacés.
À l’inverse, des milliers d’Ivoiriens travaillent ou possèdent des terres au Burkina. Les mariages mixtes sont légion. Les marchés frontaliers font vivre des familles des deux côtés. Couper ce lien reviendrait à s’amputer soi-même.
Pourquoi maintenant ? Le contexte régional a changé
Depuis le départ du Burkina, du Mali et du Niger de la CEDEAO pour former l’Alliance des États du Sahel (AES), la Côte d’Ivoire s’est retrouvée en première ligne. Abidjan craint une contagion des juntes et une perte d’influence régionale.
Mais la réalité économique rattrape la politique. Le port d’Abidjan reste vital pour l’import-export burkinabè. Les camions continuent de circuler malgré les tensions. Et les jihadistes, eux, ne connaissent pas les frontières.
Une coopération renforcée en matière de renseignement et de sécurité frontalière profiterait aux deux capitales. C’est probablement l’argument le plus convaincant pour justifier ce dégel.
Les prochaines étapes concrètes annoncées
- Création imminente d’un « travail de consolidation de la confiance » bilatéral
- Échanges de haut niveau prévus dans les prochaines semaines
- Possible visite officielle du président Alassane Ouattara à Ouagadougou (non confirmée mais évoquée en coulisses)
- Discussion sur le sort des six fonctionnaires ivoiriens détenus
- Reprise des commissions mixtes frontalières gelées depuis 2022
Adama Dosso l’a dit sans détour : « Nous sommes ici pour que les incompréhensions appartiennent définitivement au passé ». Reste à transformer ces belles paroles en actes.
Un modèle de coopération ouest-africaine à reconstruire
Avant 2022, le couple Burkina–Côte d’Ivoire était souvent cité en exemple. Échanges commerciaux fluides, accords culturels, circulation facile des personnes. Beaucoup d’observateurs espèrent retrouver cette dynamique.
Au-delà des gouvernements, la société civile pousse aussi dans ce sens. Les associations de femmes transfrontalières, les chambres de commerce binationales, les artistes : tous appellent à la raison.
Dans un Sahel en feu, où plus de 25 000 personnes ont perdu la vie en dix ans de violences jihadistes, la stabilité régionale n’est pas un luxe. C’est une nécessité vitale.
« Nos relations, jadis un modèle de coopération en Afrique de l’Ouest, doivent redevenir ce qu’elles ont été. »
Adama Dosso, ministre ivoirien
Le chemin sera long. La confiance ne se restaure pas en un claquement de doigts. Mais ce premier pas, franc et assumé, laisse espérer le meilleur.
Et qui sait ? Peut-être que dans quelques mois, on parlera à nouveau du Burkina et de la Côte d’Ivoire comme d’un seul et même espace de prospérité partagé. L’histoire, après tout, leur a déjà prouvé que c’était possible.
La réconciliation entre États frères n’est jamais été aussi proche… ou aussi fragile. Tout dépendra des prochains gestes concrets.
À suivre de très près, car l’avenir de toute une région pourrait s’en trouver changé.









